Il aurait pu se douter que la gamine ne prendrait pas mal appellation. Coraline rigole, Anicée fait écho en riant aussi.

« J'ai pas dit ''réparé'', je sens que ta sœur n'a pas une grande âme de bricoleuse. Encore que je pourrais avoir des surprises ? »

Puis promptement, il se lève, attrape le verre de la miss pour aller sans sa cuisine, lâchant un « ça marche », satisfait que son hôte se sente assez à l'aise pour quémander. D'un geste habitué, le blond nettoie le verre d'un bref coup d'eau et reste inerte un instant, indécis. Là, il prend du sirop, en imbibe les bords et plonge le tout dans du sucre. Rapidement, le sucre prend une teinte rosée, se fige et avec prudence pour ne pas tout détruire, il refait le jus, remuant d'une touillette et coiffant le tout d'une paille. Revenant, il est presque fier quand il lance à la petite : « T'as le droit à la version luxe, maintenant que je suis réveillé. » Presque fier. C'est quand même avouer que sans ces 7 heures de sommeils, c'est une loque, Anicée.

Il reprend sa manette, joue. De son 51, Yoshi avance de 9 cases et se stoppe sur le 60. Plus de piège possible, Anicée se dit qu'il a gagné, maintenant. Dès le prochain tour, en fait. Surtout que si Madame chance avait épaulé Coraline pendant un temps, c'était maintenant pour lui faire un croche-pied des plus sévères après. Mais plus intéressant que la partie : l'alibi. Anicée secoue la tête.

« Non, ça va pas le faire comme histoire. Dans ma futur position de colocataire, y'a 36 façons pour que tes parents découvrent que j'ai pas d'enfant et que cette histoire est caduc. Et alors, ça va barder pour toi. Déjà, ils le verront là : pourquoi j'enferme ma progéniture adorée et ne la laisse même pas dire au revoir ? Ou saluer les parents de son amie ?
Plus, je pense pas avoir la tête d'un type qui a une gamine de ton âge, encore. Non, faut trouver autre chose. »

Un instant, Anicée se stoppe, fronce les sourcils et mâchonne ses lèvres. La réflexion, pour son cerveau mi-fatigue et mi-caféine -un étrange mélange qu'il n'est pas bon de ressentir-, est douloureuse. Il lui vient des idées de ''saute par le balcon pour détourner l'intention !'' et autre ''dort et oublie que le monde existe'' qu'il ne peut, avec honneur, signaler à la demoiselle.

« Sinon. Sinon, c'est une cousine à moi que t'as rencontré par Internet et qui a fait un saut sur Paris. Et elle avait un agenda serré, t'as juste pu la croiser avant qu'elle parte. D'ailleurs, elle est déjà partie, d'où le fait que tu es avec moi. » Le blond hausse les épaules, peu satisfait de cette idée. Mais il ne trouve pas mieux. « ça pourrait coller ? C'est sur une même base que ce que tu as dit, mais là, p'tet que ce qu'on pourrait vraiment reprocher, c'est la coïncidence, tout au plus. Ah, que le monde est petit, comme on chante. »

Puis la questions qui fâche. L'âge. Nouvelle douche froide, Anicée se redresse d'un coup. De toute sa culture avec les femmes, il en a bien conclut une chose : ne JAMAIS demander l'âge d'une femme, qu'importe son état de croissance. Vous lui donnez moins ? Elle s'offusque qu'elle ne fait pas si jeune. Vous donnez plus ? Ha ha, votre vie s'arrête là. Vous essayez et vous plantez ? Elle prendra ça pour de l’hypocrisie, de la mauvaise foi et/ou de la moquerie. Voir les trois d'un coup. Et là, Coraline lui demande ? À lui, qui, en plus, se sent incapable de chiffrer une enfant ?
Anicée lui lance un regard pathétique d'où suinte un« je croyais que tu étais mon amie ! ». Puis il se ressaisit. Sang froid, tout ça. Il avale sa salive et commence d'une voix prudente :

« Est-ce vraiment important ? »

Pour le prochain tour:

Anicée aida à trouver à Coraline des excuses. C'est vrai que ce qu'elle avait proposé était un peu étrange, son père n'était pas dupe. Mais l'idée de la cousine l'enchantait, comme ça pas de complications et elle pouvait même dire à son père qu'elle a passé un peu de temps avec un gentil monsieur blond !

« C'est une bonne idée ! On fait comme ça alors. »

Puis, elle posa la question de l'âge. Question qui sembla troubler Anicée. Il ne semblait pas très à l'aise dans cette situation, mais Coraline ne savait pas pourquoi. C'était drôle de deviner les âges, non ? Elle aurait bien aimé savoir quel était son âge apparent. En plus, elle aurait pu introduire le sujet fâcheux de son vrai âge en douceur. Mais la témérité qui l'avait prise avait disparu, et désormais la brunette ne voulait plus avouer son âge. Zut. 

« Ah ? Heu... ben, c'aurait été drôle, mais si tu veux pas... »

Elle joua, mais ne prêtait plus beaucoup attention à la partie, elle était déjà gagnée d'avance pour Anicée. La revanche serait un bon prétexte pour lui rendre visite la prochaine fois. La jeune fille prit une gorgée du cocktail que son ami avait préparé, avant d'ajouter.

« C'était rien, laisse tomber... Bon, je crois que tu as gagné la partie ! Enfin pas encore, mais mon sixième sens me dit que c'est pour bientôt. » ou alors le fait qu'ils soit à trois cases de la fin ? « La prochaine fois, un jeu de combat ! Ce n'est pas principalement du hasard, au moins. »

Elle jeta un coup d'oeil à sa montre. Il restait environ huit minutes avant que son papa n'arrive. Et son papa était très ponctuel et toujours à l'heure pour accompagner sa fille adorée. 

« Anicée ? Pendant les quelques minutes qui restent, je peux essayer de faire un jus de fruit, comme vous les faites si bien ? J'aimerais essayer ! Je peux ?

En espérant qu'elle ne fasse pas exploser un verre. Mais normalement elle était assez douée pour qu'elle ne casse pas tout sur son passage. Même Godzilla fait attention quand il le faut ! 

Spoiler:

C'était important, la gamine en avait l'air déçue. Dans toute sa non-connaissance des fillettes, Anicées interprétait ce « pas grave » en « c'est une catastrophe, je vais rentrer dans ma chambre en pleurant toute les larmes de mon corps puis après, je serais si mal et déprimée qu'une armée de psy sombrera dans la folie grave avant de parvenir à me remettre les idées en places. » Anicée se crispe, Anicée imagine le pire, Anicée avale sa salive comme un poison amère. Merde, est-ce sa faute s'il est aussi nul avec les années ?

Yoshi, lézard bien loin de se soucier de ces problème d'humain, lui, avance gaiement pour atterrir sur la case de fin en un petit piaillement heureux. La scène est si belle, Yoshi sur son podium en train de bondir de bonheur, Toad qui l'applaudit depuis sa deuxième position, bon joueur... Il ne manquerait qu'une madame Yoshi venant faire des poutoux à l'heureux vert pour qu'Anicée se mettent alors à jalouser sa vie tranquille et simple de polygones. Mais à la place, il est dans un appartement avec une gamine dont il vient -sans doute- dé détruire la vie pour les 15 prochaines années.

Coraline demande sa recette, Anicée sort de ses pensées idiotes et répond distraitement « Que tu me voles un secret de barman ? »

Gentil Anicée. 15 ans de thérapie, tu veux vraiment lui en ajouter 5 autres ?

« Va pour le jus. » répond le blond à lui même et Coraline. Il se lève éteint son installations de console et télé, puis se dirige d'un pas lent vers la cuisine. Elle a une odeur de café frais, sur la table trônent des bouteilles à moitiés entamée de nectar et jus de tout genre. Et un sirop.

« Orange, purée de banane, fraise et grenadine. Très franchement, la grenadine, c'est pour le dégradé dans le fond. »

Il prend un verre, avec habitude, verse la proportion d'un premier jus, trace un traits au marqueur sur le verre, deuxième jus, deuxième traits. Il remplis avec l'orange le reste. Montre à Coraline le secret du sirop qu'on verse en dernier, méticuleusement contre la paroie pour que celui-ci glisse jusqu'au fond sans se mélanger. Il présente le verre à la brunette, lui en sort un deuxième qu'il lui tends.

« Aller, à toi Miss. Bonjour m'dame la barman, j'aimerai votre cocktail célèbre de jus de fruits. Celui avec la grenadine, merci ! »

Là, il s'assoit, regarde faire et, avec la subtilité d'un buffle, relance une conversation morte et enterrée.

« Tu te fâches pas, ok ? Sinon, je te fais payer des droits d'auteur sur le cocktail. »

Caduc ! C'est pas comme s'il avait inventé le mélange de jus.

« …
12 ans. »

Voilà. Prend-toi les foudres, Anicée, ce sera moins douloureux que ce que ressentirait un portefeuille en sortant de 20 ans de Psy. T'es un putain de chevalier.

Spoiler:

Coraline regarde, Coraline observe Anicée doser avec une splendide précision le cocktail. La brunette se retenait de se jeter dessus, car comme par magie, toute sa soif était revenue lorsqu'elle vit le délicat sirop de grenadine couler sur les bords pour faire un dégradé dans le fond. Mais cela aurait plus fait pauvre gamine complètement dégénérée qui sautait sur tout ce qui était comestible. Elle garda sa contenance et mémorisa les étapes.

Quand ce fut à son tour, elle essaya d'avoir le certain panache des barmans, mais ressembla davantage à une fillette qui se donnait un air sérieux et ténébreux, très concentré sur sa boisson et faisant des gestes qui se voulaient gracieux et qui ne l'étaient pas. Quand elle eut fini, elle prit sa voix la plus virile et fit comme dans un bar -ou du moins dans les bars où son frère l'entraine- en faisant glisser le verre. Mais sauf que Coraline n'avait pas envie de briser la vaisselle d'Anicée et rattrapa le cocktail alors qu'il avait bougé d'un centimètre. 

« Voici pour vous monsieur. » avec un geste gracieux et élégant, elle rattrapa le verre qui continuait quand même de faire sa course en s'affalant sur la table pour mieux l'avoir, puis elle le donna à Anicée « Vous me devez une revanche la prochaine fois qu'on se verra ! »

Pour bien insister sur le fait que quand même, elle reviendra squatter chez lui pour essayer de lui botter les fesses aux jeux vidéos. Et que de toute façon, il ne pourra rien dire. Coraline avait bien remarqué son point faible : il ne savait pas comment s'y prendre avec les gamins. Et même si techniquement elle n'en était plus une, Anicée ne le savait pas et usait de mille précautions avec elle. 

Elle se demanda d'ailleurs si elle faisait vraiment peur, pour qu'Anicée lui demande même de ne pas se fâcher. Elle n'était pas si effrayante que ça, enfin elle l'espérait. La jeune fille savait que certaines personnes se froissaient quand on devinait leur âge, mais même dans son cas elle n'allait pas lapider un type qui n'arrivait pas à mettre le doigt sur son âge exact ! 

Et donc, le verdict tomba. 12 ans. Déjà pas mal, une collégienne c'était mieux qu'une primaire, certains la confondait parfois avec une CM1. Là au moins elle était en plein dans l'âge des mutations, sa petitesse pouvait s'expliquer, et en plus elle avait l'âge ingrat, encore mieux pour faire des caprices en toute innocence. 

« Bien essayé, mais j'ai plus ! Après, pas sûr que tu aies envie de le savoir, rien que ta tête pour deviner mon âge, ça faisait presque peur. »

Elle craignait que le pauvre blond fasse une crise cardiaque s'il apprenait la vérité, plus parce qu'il aurait mal deviné son âge et qu'il aurait eu peur des foudres de Coraline que parce que la vérité est qu'ils ont douze ans à peine d'écart. 

La sonnerie retentit soudain. Coraline, dans un réflexe, se précipita vers la porte pour ouvrir. C'était malpoli de le faire chez des gens, mais son ami devait siroter le cocktail et la fausse fillette était bien plus réactive. 

Le papa Couturier se tenait devant Coraline. Il devait sûrement avoir profité d'un moment où une personne rentrait pour rentrer dans l'immeuble en ninja, lui aussi. La fille réunie avec son papa, c'était un spectacle touchant, et cette minute câlin aurait fait vomir des arc-en-ciels à un chat. 

Puis, se décrochant de l'étreinte de son père, la petite Coraline décida que présenter Anicée serait la meilleur chose à faire. En pointant du doigt son copain, elle utilisa le mensonge inventé par celui-ci de manière très convaincante. 

« C'est Anicée, le cousin de mon amie. Celle-ci avait un planning très chargé et est partie il y a vingt minutes environ et donc je suis restée pour la fin de l'heure avec lui. » puis, pour rassurer son paternel parfois très anxieux sur la nature de ses amis, elle ajouta « Il est très gentil ! » 

Son père regarda le blond puis après un passage au scanner parental -en gros, un regard inquisiteur de haut en bas- il sembla juger Anicée apte à passer du temps avec sa fille et sourit. Coraline qui avait retenu son souffle pendant l'inspection se détendit. Parce que franchement, parfois les parents ils lui fichaient la honte en voulant tout le temps contrôler ses amis. 

Mais avant de partir, Coraline s'avança vers son nouvel ami et lui dit d'une voix basse, avec un grand sourire malicieux : 

« Pour l'âge, j'en ai deux fois plus ! »

Elle était presque sûre qu'il n'allait pas la croire, mais bon, vu comme il était névrosé à l'idée de faire un faux pas avec un enfant, Coraline l'avait clairement remarqué, ça lui occupera l'esprit pendant au moins le reste de la journée. C'était une chose assez méchante, ce qu'elle avait fait, mais bon c'était trop tentant de jouer sur ses faiblesses. 

Dans la voiture de son père, elle avait déjà hâte d'être à la prochaine fois qu'Anicée et elle se verront ! 

Spoiler:

Le blond regarde la gamine faire la grande, trouvant un côté attachant à ses gestes maladroits. Il se demande si tous les enfants sont comme ça, maintenant, facile à vivre et avec qui, finalement, on peut devenir plutôt aisément copain de jeu. Ou si c’est seulement Coraline. De mémoire, il aurait juré que non, ses souvenirs étant souvent rythmés par une voix courroucée de figure maternelle par dessus quelques rires suite à une mauvaise farce. Quoi qu’à bien y penser, lui était plutôt tranquille… Le jus acheminé le tire hors de ses pensées. Du bout des doigts, Anicée prend le verre, goûte et sourit.

“Le jus est bon, le coût est honnête. à une prochaine revanche alors.”

Il boit encore une gorgée quand finalement, le petit jeu de l’âge se complique.
Plus, lui dit la fillette.
Plus ? s’étonne l’homme. Il fronce un sourcils, interrogateur, et se dit qu’il est définitivement nul pour deviner ce genre de chose. Au moins, note-t-il, il n’y a pas de larme, de cri ou de crise à gérer. Il aurait sans doute pu s’en douter, se sermonne-t-il. Même si un après midi n’est pas suffisant pour bien faire connaissance avec quelqu’un, au moins aurait-il pu deviner que son invitée de se froisserait pas pour si peu. Mais des années d'entraînement à esquiver les soucis qui découleraient d’un âge mal deviné, ça ne s’oublie pas aussi facilement. Anicée reste silencieux à regarder pensivement la petite brune, se répétant un “plus” lancinant.

La sonnette retentit et tranquillement, le blond s’avance pour ouvrir… mais un éclair brun est déjà passé. Zut au savoir-vivre comme on dit. Anicée avance quand même pour se stopper devant une scène débordant bien trop de coeurs et de fleurs pour un appartement d’homme célibataire dans la trentaine. Il en plisse les yeux pour ne pas finir borgne. Soit c’est un pédophile, soit c’est papa-cora. Anicée prie que ce soit la deuxième option. Et ça semble être la deuxième option. Coraline lance l’explication de la cousine campagnarde, lui appuie les dire d’un sourire poli derrière son verre de jus de fruit, et voit l’homme le scruter. Le manque de savoir vivre, ça semble être de famille, grogne-t-il intérieurement en serrant son verre en main. On débarque chez les gens pour les examiner ? Trop sympa.

Pourtant, il garde pour lui, sert la main de l’homme en lâchant un vague salut et se prépare, non sanenthousiasmeme, à ce qui va se passer par la suite : retrouver sa brave solitudeson lit. Oh, bon dieu, oui, il va retrouver son lit. Mais ça, c’était sans compter sur la dernière petite bravade de Coraline.

Deux fois plus. 12 ans. En deux fois plus. 24 ?
Gnié ?

Mais pas le temps aux explications, la famille a déjà filé et lui se retrouve bête, verre à la main, à avoir à peine dit au revoir. 24 ans. C’est possible ? Mince, il ne s’imaginait pas si nul que ça pour les âges. Ou alors… Trop compliqué.

Vient. Oui, il entend sa voix. Je te veux… en moi. Une voix aussi langoureuse. Avec moi, plus de soucis. Anicée ne peut que lui obéir.

Il faut dire que son lit a toujours eut une grande emprise sur lui. Surtout après une heure si chargée.

Bye Bye Coraline !

Spoiler: