Sept heures du matin. Bien, bien, bien trop tôt pour Ajay. Et pourtant. Il est bien obligé de se lever. La générique des tortues ninja sonnant à travers toute la chambre. Après avoir essayer de cacher sa tête sous son oreiller, il grogne et dépité, se lève. Attrapant son téléphone portable, un modèle récent mais déjà rayé sur tous les côtés, il s'empresse d'éteindre le réveil. Ajay se rassoit, tel un zombie plus vif que la moyenne, sur son lit. Il envoie sans se presser un message à son amie, Thylan. Il lui a prévu une surprise digne de ce nom pour le week-end et n'est pas peu fier de l'avoir fait. Même la fatigue qui le pousse à fermer les yeux ne peut effacer son impatience. Cela faisait longtemps qu'il rêvait de faire quelque chose comme ça. De dire merde à la ville et à certaines de ses occupations et de partir à l'aventure. Ou du moins, dans la nature.

Thylan était une compagne de choix pour ce genre d'excursions. Toujours heureuse et à la recherche de nouvelles choses à faire, elle ne rechignait ni à la tâche ni à l'effort. C'était sûrement pourquoi Ajay l'appréciait autant, elle était, comme il disait, « mothafucking courageuse ». Et puis, il se demandait si elle craignait certaines choses, les insectes par exemple, ou les bruits pendant la nuit. Ce genre de petit détails qui pouvaient semble insignifiants mais qui étaient, pour lui, très intéressants. Sa curiosité n'avait pas de limite, même en ce qui concernait ses amis. Et pour une amie, Thylan en était une très bonne. Ils avaient un peu dérapé un soir, un soir étrange où Ajay s'était sentit attiré par les lèvres d'une femme et où celle-ci ne l'avait pas repoussé. Enfin, ils n'en parlaient pas et évitaient d'évoquer cette journée. C'était comme si cela n'avait jamais eu lieu. Parce qu'ils ne voulaient pas, l'un comme l'autre, perdre l'amitié qui les unissaient. Ajay n'aimait pas trop ce genre de qualification mais elle pouvait se considérer comme sa ''meilleure amie''. C'est dire.

Quoiqu'il en soit, quand il reçu la réponse de celle-ci, une heure plus tard, il avait déjà déjeuné et s'était douché. Entrain de s'habiller, une simple chemise de lin et un un short de tissu arrivant juste au dessus des genoux, il baillait encore. Une fois ceci fait il commença à transférer ses affaires dans sa voiture, une tente deux personnes, deux duvets, deux petits coussins. Un réchaud et une vieille casserole, des couverts en plastiques. Deux ou trois bouteilles d'eau ainsi qu'un pack de bière et des canettes de coca dans une glacière. Et puis des pâtes, du riz ce genre de trucs. Des céréales et puis des bonbons, pleins de bonbons en tout genre. Des chamalow à faire griller, mais pas que. Il attrapa aussi un roman policier, une lampe torche, deux serviette de bains, une bassine. Et des brics et des brocs. De quoi survivre quoi. Il lui restait une petite heure et demi avant de partir et il en profita pour revoir son itinéraire, charger son gps et regarder un épisode de Scooby Doo.

Une fois dans sa voiture, il ne lui fallut que peu de temps avant d'arriver jusqu'au domicile de la belle. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire elle était assise à ses cotés, son sac sur la banquette arrière. Ils parlèrent un peu de tout et de rien au début, puis petit à petit elle commença à poser des questions. Ajay sourit. Non, il adorait décidément trop les surprises pour gâcher celle-ci maintenant. Et il ne comptait pas lâcher le morceau, quand bien même le trajet durait quatre heures et demi. De toute façon, quand bien même il serait prêt à craquer, Thylan ne lui en aurait pas donné l'occasion, il ne lui fallut pas longtemps pour tomber dans les bras de Morphée. Un énième sourire amusé aux lèvres, le jeune homme passa son gps en mode muet et suivi les indications en toute tranquillité. Il n'était pas du genre hystéro au volant, plus maintenant en tout cas, il faisait toujours très attention. Et c'est ainsi qu'ils arrivèrent à destination sans problèmes, toujours entier, juste un peu coincés dans leur sièges, avec l'envie de se dégourdir les jambes.

Sans attendre, Ajay sortit de la voiture, s'étirant de tout son long, il lâcha un léger bâillement. Puis, il se mit a marcher, entama un petit pas de danse derrière le véhicule et fini son parcours devant la vitre de sa chère camarade. Souriant, quasi attendri, il frappa doucement contre la fenêtre. Un peu plus tard, la jeune femme reproduisait les même mouvements que lui. Elle avait l'air sincèrement heureuse de cette surprise, cela dit il restait encore un peu de chemin à faire. Et des choses à porter. Ajay se dirigea jusqu'au coffre de sa vieille guimbarde et l'ouvrit tranquillement. Le coffre plein à craquer était cependant quelque peu décourageant, d'un petit signe de la main il attira Thylan à lui.

Sauvage .. sauvage. N’exagérons pas, j'ai besoin de mon petit confort.  Clin d’œil. Viens par là, je vais te faire porter quelques trucs. Ah oui, j'oubliais, on ne s'arrête pas ici, c'est un peu trop fréquenté, une voiture par jour, c'est bien trop. On va s'enfoncer un peu dans la forêt, il y a une clairière par loin. Parfaitement parfaite.  

Il sourit, chaleureusement, avant de lui tendre les deux coussins ainsi qu'un duvet, le vert. Il prit le sien, bleu, et se le cala sous le bras avant de prendre la toile de tente et deux autres sacs. Posant ces derniers par terre il fit claquer le coffre et referma la voiture. Reprenant sa charge il avança un peu plus loin et se glissa entre deux arbres. Il s’avança et déjà l'air se faisait plus frais, l'ombre des arbres devenant un parasol naturel. Sous ses pieds les feuilles crépitaient, parfois cependant il ne faisait aucun bruit, avançant à tâtons sur la mousse qui recouvrait le sol. Les plantations étaient plutôt vielles, la forêt incroyablement agréable. C'était un petit coin de campagne, rien qu'à lui, ou presque. Les villages les plus proches étaient à trente ou quarante minutes d'ici en voiture. Il y a avait une unique maison à un quart d'heure à pied, une maison de campagne, appartenant à la famille, du coté de son père. Voilà comment il connaissait l'endroit, un petit trésor familial.

Peu de temps après, ils débouchèrent sur une petite clairière ensoleillée, on ne pouvait a peine y caler deux voitures et deux tentes, mais c'était assez grand pour eux. Posant ses bagages sur le sol, Ajay sourit et s'étira une fois de plus. Levant son visage jusqu'au soleil, il profita de ses rayons sur sa peau et laissa échapper un soupire appréciateur. Il adorait venir ici, l'endroit était juste parfait. S'agenouillant pour ouvrir la pochette de sa superbe tente Quetchua 'deux secondes chrono', il dit doucement.

Bien, on installe la tente et ces deux trois trucs puis je vais chercher ce qui reste dans le coffre, d'accord ?  

Se retournant pour obtenir l'accord de la demoiselle, il lui sourit.

Tu veux lancer notre logis ?  

Les tentes prêtes en deux secondes, c'était une sacré amélioration. Ajay se souvenait que, quand il était gosse monter une tente prenait au minimum une demi-heure. Et ça, c'était encore quand vous ne vous étiez pas trompés d'arceau au début du montage et qu'il faille tout recommencer. Le camping, assurément il aimait ça. Enfin, quand il disait camping, il ne parlait pas de poser une tente sur un emplacement hors de prix, tout ca pour avoir un sosie de Patrick Sebastien lors de la soirée Paela du jeudi. Soirée qui bien évidement finissait à 23h parce que … c'est un camping familial voyons, pensez aux enfants ! Bref, ce que lui aimait, c'était plus que ça. C'était poser sa tente à l'improviste sur un terrain naturel et se débrouiller avec ce qu'on a, tout en profitant du paysage et de la quiétude environnante. Finis les grandes stations balnéaires noires de monde et bonjour la campagne, bonjour la forêt, bonjour les oiseaux qui chantent et la rosée du matin.

Ajay sortit de ses pensées printanières en entendant le reconnaissable ''swooch'' de la tente parée à être remplie. Du travail de grand maître. Attrapant les fils dans l'étui de la tente, Ajay commence à les délier et à les attacher, soigneusement aux encoches prévues à cet effet. Pendant que Thylan glisse à l’intérieur pour y rentrer les duvets et les coussins -lits de fortunes mais qui feront bien l'affaire-, le barman plante les sardines sans trop de problème. Et c'est alors que la demoiselle, désormais bien réveillée, lui sauta dans les bras. Sa bonne humeur l'envahit instantanément, cette demoiselle arrive à lui glisser un grand sourire aux lèvres en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Ajay sourit à son petit discours, à sa façon de montrer qu'elle est ravie, à sa curiosité mais aussi à sa force de caractère. Décidément, il l'aime bien cette Thylan. Souriant donc, il lui répond en l'entourant de ses bras, un brin enjôleur -mais juste pour jouer voyons.

Te dire comment je connais cet endroit ? Voudrais-tu que je révèle tout mes secrets ? Voyons, voyons, gardons un peu de mystère très chère ! Se détachant de la demoiselle, il lui adresse un clin d'oeil. Ça me va, j'irais donc chercher le reste dans la voiture. Si tu as un problème, cri et j’apparaîtrais alors tel ton chevalier servant !

Il la regarde prendre le reste des sardines à la main, l'air décidé et sourit. Ajay est heureux de la façon dont se déroule les événements. Tout guilleret, il prend donc le chemin inverse, prenant grand plaisir à sauter de racines en racines, évitant de toucher les tapis de feuilles et s'aventurant parfois sur la mousse. Il croisa quelques champignons ici et là ainsi que deux trois limaces qui ne l'effrayèrent guère. L'avantage d'avoir de la famille à la campagne, on est beaucoup moins sensibles aux bestioles et aux plantes que les autres personnes. Ajay se demandait comment se comporterait Thylan face à une limace bien dodue, ou à une araignée des bois. Bien que n'ayant pas le début d'un commencement de réponse, il pouffa tranquillement en étudiant plusieurs possibilités. Celle qu'il préférait encore étant celle d'un cri hystérique poursuivis d'une course, bras en l'air. Cela dit, il doutait que ce soit l'hypothèse la plus approchante de la vérité.

Arrivant à la voiture, il ouvrit sans mal le coffre et attrapa ce qu'il restait. La glacière, les deux serviettes de bains et son sac à dos noir dans lequel se trouvait ses effets personnels. Vérifiant que tout était bien en place, il se chargea avant de fermer la voiture et d'entamer le trajet retour. Sans grande surprise, ce trajet-ci sembla plus long, et en arrivant près de leur petit campement, le jeune homme était quasi essoufflé. Soupirant mais souriant il s'approcha de Thylan.

Alors ça y est ? Tout est bien installé ? On pourrait se balader dans les bois ensuite, non ?

Ajay arrive donc, derniers sacs en mains et sourire aux lèvres. Il sent que ce week-end commence bien et ça le rend heureux, et ça c'est pas rien. Thylan aussi semble bien s'amuser, en tout cas elle ne cesse de sourire et son enthousiasme ne peut faire que plaire au barman. Celui-ci qui arrive près de la tente pose les derniers sacs sur le sol et relève sur regard sur la misstinguette qui se targe d'avoir résister à la tentation. Les duvets sont prêts, la tente aussi, ils n'auront plus qu'à se glisser à l'interieur une fois la nuit tombée et l'envie de dormir arrivée. Parfait. Tout sourire, pour changer, Ajay acquiesce vigoureusement à la proposition de la brunette, ça fait pas mal de temps qu'il n'est pas venu ici et l'envie de se dégourdir les pates dans ce paysage familier est plus que séduisante. Mais avant tout, rangement de sacs s'impose, Ajay les passe à Thylan qui les pose à l'endroit prévu, une belle chaîne de travail tout à fait fonctionelle. Il s'amuse de ses questions citadines et y répond avec un plaisir non caché.

Hmm.. des coccinelles. T'es sure que c'est pas rare ces bêtes là ? Frottement d'index sur le menton et air songeur de pair, non, je crois que c'est bon. Je penses qu'on en verra ! Si on est chanceux et si elles veulent bien se poser sur nous. On va aussi avoir le plaisir de croiser escargots, limaces et papillons. Meme des petites chenilles. S'accroupissant pour refermer la toile de tente, il poursuit, chuchotant d'un air de confidence. Et si on est vraiment, vraiment chanceux, on pourra peut-être aperçevoir une ou deux lucioles cette nuit.

Il aimerait ça, vraiment. Les lucioles ça lui rappelle son enfance, pépé -le breton-, il restait toujours avec lui, la nuit dans le jardin. Ils imitaient le hibou, observaient les chauves-souris qui volaient entre les arbres et mieux encore ils partaient parfois à la recherche de lucioles. C'était ce que petit Ajay préférait. Et grand Ajay revassant mit quelque temps à se reveiller. Secouant la tête, ses dreads lui fouettant le visage il se redressa pour écouter la demoiselle qui, elle aussi, avait pris un ton de confidence. La révélation qu'elle lui fit eut pour effet de produire un immense sourire sur les lèvres abimées du barman.

Moh … Adorable enfant que tu es. Allez viens avec moi, tonton Ajay va t'apprendre la vie en forêt !

Et il avance comme un bienheureux, trotinne presque jusqu'à l'orée du bois puis s'arrête et se retourne avant de faire signe à Thylan d'avancer. Tout deux marchent à l'unisson entre les arbres. Ajay ramasse un baton par terre et tel un héros en habit blanc sur son cheval à la crinière doré, il agite son « épée » de fortune pour chasser du chemin les toiles d'araignées qui s'y trouve, il ne faudrait pas que la demoiselle parte en courant. Ils croisent une ou deux limaces et le barman les ignore en sifflotant, mieux vaut ne pas le dire, au cas ou elle n'aurait pas vu. Il la guide a travers les bois et on entend de plus en plus distinctement le bruit de l'eau. Il compte l'emmener à la « piscine » comme son pépé l'appelait. Un bassin d'eau et une petite cascade avec tout plein de rochers pour bronzer dessus, et pour pécher aussi ! Ils continuaient de marcher quand enfin ils arrivèrent à destination.

Ma très chère Thylan j'ai le plaisir de te présenter … mon petit paradis personnel.