Une clé tourna, le déclic d'un mécanisme s'enclencha puis le silence revint. L'homme était déjà parti, abandonnant son appartement fermé derrière lui. Il traversa les rues plus ou moins vides sans grande difficulté, un masque blanc dissimulant le bas de son visage. Puis il plongea dans la masse. Là, personne ne le remarquait. Il était semblable à beaucoup d'autres qui s'affolaient en tous sens, la moitié de leur expression paniquée dissimulée par ce même masque blanc. Sauf que lui restait calme et continuait à traverser la foule du mieux qu'il pouvait. Beaucoup cherchaient à partir depuis l'arrivée de ce fameux virus quelques temps plus tôt, ou étaient juste contraints de quitter leur domicile. D'autres restaient dans la capitale malgré tout, cherchant à vivre au maximum comme d'habitude. Comme Gabriel. Lui, il attendait patiemment que son quartier soit à son tour touché par l'ordre d'évacuation. Il espérait malgré tout que cela viendrait bien plus tard. S'il devait partir de Paris, il ne saurait pas vraiment où aller... Et hors de question de retourner chez sa mère en Suisse.
Alors, en attendant, Gabriel vivait comme tous les jours, alternant entre ses cours et son travail. Aujourd'hui était un "jour de trou", comme il aimait les appeler, et il en avait profité pour sortir. Bon, d'accord, ce n'était pas très recommandé ces jours-ci... Mais le jeune adulte aimait voir Paris bouger sous ses yeux. Et puis, de toute façon, il était protégé par son masque, n'est-ce pas ? De plus, il avait quand même des choses à faire dehors. Donc... affaire résolue.
C'est le visage en grande partie dissimulé par une soudaine alliance entre ses cheveux et le masque blanc qu'il parvint à s'extirper de la foule. Hé, c'est que c'était pas facile de bouger là-dedans, surtout en allant à contre-sens ! Enfin capable de respirer à peu près convenablement, il jeta un bref regard en arrière avant de définitivement tourner le dos à tous ces inconnus.
Le virus. C'était presque devenu l'unique sujet de conversation de la population parisienne. Les médias, surtout, étaient envahis et les nouvelles n'aidaient pas vraiment à rassurer la population. Les chercheurs étaient encore et toujours à la recherche d'un vaccin, sans succès jusqu'à aujourd'hui. Et eux, les citoyens, étaient sommés de garder en permanence un masque sur leur visage pour limiter les risque de contamination.
"... et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour développer un vaccin qui, je vous l'assure, arrivera très bientôt ! Certes, nous faisons évacuer des quartiers parisiens, mais il s'agit d'une précaution afin de limiter le nombre de victimes, nous pensons tout d'abord à votre sécurité qui..."
Gabriel tourna la tête et fixa d'un air absent l'homme qui se trouvait à ses côtés. Affublé du même masque que le sien et enveloppé dans un grand manteau marron, l'inconnu fixait son portable en fronçant les sourcils. Tiens, serait-il contrarié par ce qu'il entendait ?
Personne ne vit le petit sourire désabusé qui prit place sur les lèvres dissimulées du brun. Où est-ce que tout ça allait les mener ?
Il s'engagea sur le passage piéton et franchit la route.
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La sonnerie retentit alors que le brun mettait les pieds dans une pharmacie qu'il ne connaissait pas. C'était la troisième qu'il faisait, et elle était aussi pleine que les autres. Arriverait-il seulement à obtenir ce qu'il cherchait ? Allez savoir... Plusieurs personnes s'entassaient devant le comptoir alors que d'autres faisaient la queue. Et lui se trouvait derrière tout ces gens, toujours aussi calme.
Fatigué d'esquiver le monde qui se bousculait dans les diverses pharmacie, il choisit une file -la moins longue, de préférence- et décida de patienter. Il attendrait jusqu'à ce que ce soit son tour tout en espérant que personne ne lui annonce une rupture de stock. Ce serait bête. Mais, le connaissant, il ne montrerait sûrement pas son agacement et partirait affronter d'autres files d'attentes, dans d'autres pharmacies, dans d'autres quartiers, sans un mot... Mais voyez vous, il préférait éviter. Certes, il avait la journée, mais quand même... N'abusons pas trop. Tout homme possède des limites, et lui aussi.