L'émission L'amour est dans le pré devrait s'appeler Moi, moche et mes champs.

Shikha, au début, c’est juste des yeux. De grands yeux en amandes. Des yeux où semblent se perdre des éclats de miel et de caramel. Shikha, elle a des yeux qui brillent de mille et une nuances dorées. Des yeux emplis de l’innocence de celle qui a eu une enfance facile. Emplis de la joie de celle qui n’a jamais connu la peine. Emplis d’optimisme. Les yeux sont les fenêtres de l’âme. Shikha, elle, c’est carrément un portail grand ouvert. Dans ses yeux, on peut lire et ressentir la colère, le peu de fois où elle apparaît. Dans ses yeux, on peut y lire la tristesse, le peu de fois où elle apparaît. Dans ses yeux, on semble pouvoir lire chaque émotion, comme si elle était tracée d’une belle calligraphie dans ses pupilles.

Shikha c’est aussi un sourire. Un grand sourire qui semble contenir toute la joie du monde. Un sourire qui vous donne envie de sourire. Un sourire contagieux. Un rire contagieux. Shikha c’est aussi un petit nez en trompette qui donne l’impression qu’elle est toujours en train de faire une blague.

Shikha, ensuite, c’est des cheveux. Une chevelure raide et massive qui lui retombe jusqu’au milieu du dos. Avant noire de jais. Aujourd’hui plus blanche que la neige. Parce que Shikha, elle a vu Hilly et ses cheveux blancs. Alors Shikha, elle a voulu faire pareille. Shikha, c’est une boule de cheveux, une chevelure épaisse et indomptée. Comme la crinière d’un lion. Alors souvent, elle a l’air d’être tombé du lit. Pourtant, non. Des fois, elle essaie de les coiffer. Mais ça ne marche pas, alors elle n’insiste pas.

Shikha, pour finir, c’est un corps fin et musclé. C’est 1 m 70, ou un truc du genre. C’est un petit 54 kg, enfin la dernière fois qu’elle s’est pesée. Ça remonte, parce que Shikha, elle s’en moque au final. Shikha, c’est une petite poitrine. Pas inexistante, mais proéminente non plus. Un petit ventre, qu’elle ne se lasse pas de montrer. Surtout l’été. Surtout maintenant qu’elle n’est plus en Inde. De longue jambe qu’elle sait mettre en valeur par un petit short. Shikha, c’est une peau tannée par le soleil sur des milliers de générations. C’est un p’tit bout d’apprentie femme qui s’essaie à plusieurs styles. C’est un p’tit bout d’apprentie femme, qui n’aime pas les robes. Ni les jupes. Parce que ça empêche de courir et de sauter partout. Un p’tit bout d’apprentie femme qui porte des shorts ou des sarouels. Ou bien des jeans, souvent slim. Un débardeur, un tee-shirt beaucoup trop grand, un sweet, une chemise. Un p’tit bout d’apprentie femme qui porte pleins de couleurs, une casquette, un chapeau, parfois un bout de tissu coincé dans les cheveux, après une énième tentative pour les dompter. Un p’tit bout d’apprentie femme qui s’assoit toujours en tailleur, peu importe où elle est. Un p’tit bout d’apprentie femme qui marche pied nu ou en tong.

Je n'aime pas les gens qui parlent pendant que je les interromps.

Shikha, elle est rigolote. Shikha, elle est bavarde. Shikha, elle n’est pas timide. Shikha, elle se nourrit du bonheur des autres. Enfin, de toute façon, Shikha, elle semble tout le temps heureuse. Shikha, elle est douce. Shikha elle est curieuse. Shikha, elle pose souvent des questions. Parfois trop. Shikha, elle est pleine de vie. Elle s’émerveille pour une feuille sur la chaussée qu’elle va trouver trop mignonne. Pour le bruit d’une chasse d’eau, pour la couleur d’une tomate. Pour le punk qu’elle va croiser lors de ses balades. Pour les gens qui mangent dans un restaurant. Pour la pluie. Pour le soleil. Pour le nuage à l’allure de nounours dans le ciel. Pour les lumières des lampadaires, qui remplace les étoiles de son Inde natale. Shikha, elle donne l’impression de découvrir le monde chaque fois qu’elle ouvre les yeux. Chaque fois que son regard se pose, que la chose soit totalement insignifiante ou non. Elle observe, elle retient. D’ailleurs, Shikha a une très bonne mémoire auditive et visuelle. Surtout visuelle. Shikha, elle sourit tout le temps. Rit pour un rien. Pour une blague kk prout, pour une blague nulle, pour une blague bien. Shikha, elle est bon publique.

Shikha, elle est insouciante. Peut-être un peu trop. Shikha, elle ne semble pas touchée par la décadence de ce monde qui va mal. Pas touchée par la misère. Pas touchée par les guerres. Les mauvaises nouvelles lui glissent dessus comme une vague sur un océan calme. Shikha, elle ne s’intéresse pas à l’actualité. Pas à la politique. Pour Shikha, tout ça, c’est un monde lointain. Une autre galaxie. Shikha, elle préfère vivre dans son monde. Danser au milieu de la rue quand elle se sent bien, chanter à tue-tête une chanson qui lui plaît, parler aux oiseaux, discuter avec les SDF comme s’ils étaient les représentants d’une nouvelle ethnie, s’intéressant  leurs arriver là comme si c’était un choix de vie.

Shikha, elle fume. Elle boit. Des joints, des clopes. De la vodka, du jus d’orange. Shikha, elle aime faire la fête. Elle aime se relâcher. Shikha, elle profite d’avoir quitté le cocon familial pour quitter le costume de petite fille parfaite. Elle rattrape. Toutes ses soirées en Inde où elle n’est pas sortie. Toutes ces fois où elle a dû se cacher pour allumer sa clope. Maintenant, Shikha fume dans la rue. Ca, avant Shikha ne l’avait jamais fait.

Shikha, c’est aussi une passionnée. Passionnée de danse. Toutes les danses. Peu importe. Elle aime ça. Mais aussi une passionnée d’informatique. Shikha, elle a le feeling avec les ordinateurs. Elle leur parle comme s’ils étaient animés d’une quelconque essence de vie. Elle est comprend. Elle leur donne des noms. Le sien s’appelle François. Parce que François, c’est bien français et qu’elle l’a eu à son arrivée en France. Shikha, elle ne tape pas sur un clavier, ses doigts volent dessus. Shikha, elle touche à tout. N’importe quel logiciel, peu importe. Elle hack aussi. C'est pas bien, mais c'est plus fort qu'elle. C'est trop interessant, trop pleins de surprises. L'excitation qui s'empare d'elle, elle adore ça. Alors Shikha, elle veut travailler dans l'informatique.

Mais Shikha, c’est aussi admiration. Pas envers elle. Mais envers Hilly. Cette grande sœur qu’elle n’a jamais connue mais dont elle a retrouvé des photos. Cette grande sœur dont sa mère refuse lui parler mais qu’elle a idéalisé toute son enfance. Cette grande sœur qui revenait souvent dans ses rêves. Cette grande sœur qu’elle idéalise. Cette grande sœur dont elle criait le nom dans la cours de récré quand les grands venaient l’embêter. Shikha, elle est prête à tout pour connaître cette grande sœur. C’est pour ça qu’elle est revenue à Paris. C’est pour lui ressembler qu’elle s’est teint les cheveux en blancs.