"L'enveloppe que j'ai reçue de l'arbre était scellée par le sceau des Hearts. J'aimerais en savoir plus, on peut tenter d'entrer dans le château ?"

Soarta leva ses yeux du bonnet bleu enroulé autour de son épaule, qui se teintait maintenant de rouge. Son sang. Elle regarda Aiguille, assez surprise. Réellement. Elle ne pensait pas que cette personne pourrait vouloir entreprendre quelque chose qui, au premier abord, paraissait aussi fou et impossible. Mais il était vrai que sa réflexion était logique, mais dire ça à une inconnue... Bien que frappée d'amnésie, elle savait qui étaient les Hearts, et surtout leur Reine. Sadique à souhait, il valait mieux ne pas la contrarier. Alors pourquoi vouloir tenter un tel acte téméraire ? Etaient-ce des paroles jetées en l'air, pour rire ? Aiguille avait l'air d'attendre sa réponse, bien qu'elle se soit tapée le front avec sa main. On pouvait donc supposer que non.

Alors, qu'allait-elle faire ? Elle ne pouvait pas donner de réponse comme ça. Non, ce serait trop suspect. Alors elle baissa la tête, se pinça la lèvre inférieur et passa sa main gauche dans ses cheveux, remettant au passage ses mèches en place. Il fallait marquer la réflexion encore quelques instants. Mais qu'allait-elle répondre ? Probablement oui. Sans consulter ses dés ? Bah, c'était introduire une autre part de hasard. Et puis, elle pourrait peut-être avoir des informations du pourquoi et du comment des soldats Hearts avaient attaqué les gens avec qui elles vivaient et qui semblaient être sa famille.

Bon, il était maintenant temps de donner sa réponse. Soarta releva la tête et planta son regard dans celui d'Aiguille, affichant un air gêné sur son visage. Comme si elle n'était pas certaine de son choix, et qu'elle le faisait pour aider. Bien entendu, comme je l'ai déjà dit, elle avait quelque chose à faire là-bas, elle semblait liée à ce lieu qu'était le Palais des Hearts, ou tout du moins à cette famille. C'est ainsi qu'elle prit la parole d'une petite voix.

"Et bien... On peut y aller, non ? Ce sera difficile mais... Il doit bien y avoir un moyen. La nuit tombe, alors logiquement il doit y avoir un roulement entre les équipes de surveillance, on pourrait profiter de ce petit moment d'inattention... Par contre, on n'aura pas beaucoup de temps, il faudrait être de retour dans nos chambres avant minuit. Hum... Rejoins-moi devant les portes dans une heure environ, j'ai quelques petites choses à faire."

Lui tournant le dos, Soarta marcha en direction de sa chambre. Elle allait pouvoir préparer le poison dont elle venait de récupérer le dernier ingrédient. Un qui paralyse, ça peut être utile, quelques gouttes suffisent pour faire tomber un homme. Elle allait vraiment en avoir besoin, et elle devrait enduire ses armes. Mais d'abord, il lui faudrait recoudre son épaule. Quoi que, après avoir préparer la décoction, afin de laisser le temps au liquide de se préparer.

Elle arriva chez elle assez vite, si elle pouvait appeler ce lieu ainsi. Rapidement, elle commença à extraire le jus de la fleur qu'elle avait ramassée puis à broyer en une fine poudre ses pétales. Mélangeant ces deux parties, elle les dilua dans de l'eau et y jeta la tige. Il n'y avait plus qu'à laisser reposer ça maintenant, elle allait pouvoir continuer ce qu'elle avait à faire. Ecartant le tissu gris, elle sortir une petite fiole qui contenant un anesthésique. Elle s'assit sur son lit, la lumière du soleil déclinant petit à petit. Cette chambre grise et terne s'assombrissait de plus en plus, faisant en sorte que maintenant la visibilité se faisait de plus en plus mauvaise. Mais qu'importe, ça ne la dérangeait pas plus que ça.

Prenant un tissu propre, elle versa dessus une partie du contenu de sa petite bouteille et le plaça sur sa plaie, après avoir enlevé le bonnet. Il fallait qu'elle trouve maintenant de quoi désinfecté, et justement elle avait ça. Attendant que l'anesthésie légère se fasse, elle prépara un autre tissu, qu'elle passa sur sa blessure. Entre temps, elle avait fait chauffer une aiguille, qu'elle put maintenant utiliser avec du fil afin de recoudre cette coupure assez profonde. Heureusement qu'elle avait tout le matériel nécessaire, sinon elle ne serait pas allée bien loin. Prudemment, elle planta cette pointe de métal dans sa chair, faisant passer le fil à travers ce trou. Sans sentir de douleur grâce au poison qu'elle avait utilisé sur sa plaie, elle put ainsi la refermer tranquillement. Petit à petit, les deux morceaux de peau séparés furent réunis à l'aide de ce fil qu'elle coupa afin de faire un noeud. Parfait, maintenant elle n'avait plus qu'à changer d'habits. Soarta se leva, tout en se débarrassant de son haut. Elle n'allait pas mettre de bandage d'ailleurs. Bref. Elle ouvrit son armoire pour prendre la même tenue de gouvernante, seulement qu'elle était propre et surtout intacte. Ca lui irait parfaitement. Mais mieux valait en être certaine. Elle roula ses dés, qui confirmèrent sa décision. Bien, elle commença à s'habiller alors.

Ramassant ses dés, elle finit de préparer son poison paralysant. Une fois que ce fut fait, elle en enduit toutes ses armes, puis prit aussi une petite réserve, juste au cas où. Encore une fois, elle partait avec deux poignards ainsi que ses couteaux de lancer. C'est ainsi qu'elle se sentait le plus à l'aise, mais c'était aussi le plus discret. Avec sa tenue, elle pourrait peut-être prétendre être une gouvernantes du Palais. Les gardes ne devaient pas toutes les connaître. Quoi que, elles devaient sûrement être à la couleur de la maisonnée, c'est à dire rouge. Elle verrait une fois sur place si elle ne pourrait pas s'en trouver une tenue, ça rendra son entreprise plus simple.

Il était maintenant temps de rejoindre Aiguille. Ainsi, elle sortit de sa chambre. Environ une demi-heure était passée, elle était plus rapide que ce qu'elle avait prévue. Elle devrait sans doute attendre Aiguille, mais qu'importe, ça lui permettrait de repérer le terrain. Passant à travers les quartiers, elle se dirigea vers la passerelle menant au Palais Heart. Oui, elle savait comment y aller. Son corps s'en souvenait il semblerait. Etrange... Elle trouverait peut-être une réponse là-bas. Une fois sur cette fameuse passerelle, elle sentit le vent souffler assez fort, mais pas assez pour la faire tomber. Ca pouvait être dangereux, mais mine de rien c'était assez sécurisé, avec des barrières pouvant prévenir des chutes accidentelles ou des trébuchements. Le soleil était complètement visible, l'éblouissant à moitié. Elle devait garder une main sur la rambarde et l'autre devant sa tête afin d'avancer, pour faire écran à la lumière éclatante de la fin du jour. Mais le voyage n'était pas si long que ça, et Soarta arriva vite devant les portes du château. Est-ce que les gardes l'avait repérée ? Elle n'en avait pas l'impression, elle n'en voyait aucun. Où étaient-ils ? Cachés certainement. Mais elle profita de cette supposée absence afin de se dérober à leur potentielle vue. De premier abord, les portes semblaient être la seule entrée possible. Mais depuis le temps que devait exister ce bâtiment, il devait bien y avoir une autre entrée. Une brèche dans le mur par exemple. Alors le temps qu'Aiguille arrive, Soarta chercha. Elle était toujours visible depuis la passerelle, mais seulement de celle-ci. Ainsi, Aiguille la verrait quand elle arriverait, mais aucunement les gardes. Encore fallait-il qu'ils ne voient pas celle qui allait l'accompagner ni qu'ils l'aient vue elle...

Soarta avait répondu à la proposition d'Aiguille d'une petite voix. La jeune femme fut surprise mais soulagée que la bonne veuille bien l'accompagner dans son périple. Toute seule, au château Heart, elle ne pourrait pas faire long feu. Seule son amie pouvait l'aider, afin qu'elles puissent s'infiltrer dans le palais. 

Le rendez-vous était fixé pour une heure plus tard, et cela arrangeait Aiguille qui alla se préparer elle aussi. La nuit allait être longue, et il fallait qu'elle soit au top de sa forme et bien équipée avant la grande aventure. Elle retourna dans sa chambre, appréciant le confort et la douceur qu'elle lui procurait. Aiguille effleura du doigt les douces pelotes éparpillées partout dans la pièce, se sentant très à l'aise. Encore plus quand elle s'empara de ses aiguilles toujours fourrées dans la poche de son pull. 

C'était presque étrange l'aisance avec laquelle elle pouvait manier les aiguilles. C'en serait presque effrayant, mais la femme à la cascade de cheveux roses sentait qu'elle n'arriverait pas très bien à s'en servir pour tuer. Un soulagement ? Elle n'était pas une tueuse ? Elle ne le savait pas, la mémoire perdue réservait toujours des surprises. Par exemple, qui aurait cru que Soarta et elle étaient amies dans le passé ? Qu'elles se connaissaient, bien avant qu'elles se rencontrent la veille avec la borgne et la boulangère. Son amie était certes mystérieuse, mais Aiguille l'était aussi, en quelque sorte. Toutes ses rencontres avec Soarta étaient-elles dues au hasard ? Qu'est-ce que les deux femmes avaient fait ensemble dans le passé ? 

Elle n'essaya pas de déterrer des souvenirs enfouis, ce n'était pas le moment. Elle pourra quand elle aura plus d'indices, sur ce qu'elle était, sur ce qu'elle est. C'était impératif qu'elle manie encore un peu les aiguilles, afin de se remettre dans le bain, si jamais elle découvrait d'autres compétences liées à ses chères "amies". La trentenaire les lança, essaya de viser une pelote pendant vingt minutes, avant de décider de se changer. Qui sait, les gardes étaient peut-être des hommes et une jolie tenue ne faisait pas de mal. 

Elle choisi des habits assez confortables pour bien bouger dedans et pouvoir courir sans encombres. Être une gêne était la dernière chose qu'elle souhaitait. Aiguille prit ensuite une robe courte tricotée, avec un beau décolleté, puis compléta le tout avec une veste elle aussi fait main, pour contrer à la fraicheur de la nuit, et ne pas être trop "remarquable". Ses cheveux roses étaient d'ailleurs un problème. Pour ne pas qu'elle soit trop remarquée, elle bourra sa chevelure dans un bonnet, seulement quelques mèches bouclées dépassant. Et voilà, elle était fin prête. Ah ! Ses aiguilles... 

L'amnésique avait beau l'être, elle se souvenait que le palais se trouvait sur une ile flottante. Et à ce qu'elle se remémorait, les îles étaient liées par des passerelles, heureusement car sinon tout le monde serait bloqué. Aiguille se dirigea vers le lieu de rendez-vous, en espérant ne pas être vue. De loin, elle semblait être une jeune fille sage avec une jupe et une veste tricotées, toutes deux rouges. Elle pouvait presque se faire passer pour une femme de chambre quelconque, si personne ne regardait en dessous de son manteau... 

Arrivée sur la passerelle, elle jeta un oeil en direction de sa destination. Avait-elle déjà été là-bas ? Si elle était une simple jeune femme, la réponse serait non, pourquoi irait-elle dans de tels lieux si elle était tellement respectable et aimée ? Alors pourquoi lui semblait-il familier ? Bah, pourquoi se poser des questions, les réponses viendront avec le temps... elle espérait. Depuis sa passerelle, elle pouvait apercevoir une silhouette se mouvoir. Ses cheveux blancs semblait briller sous la lumière du soleil couchant, annonçant la fin de la journée. C'était Soarta, sans aucun doute. La vue de son amie fit sourire la tricoteuse. Elle semblait avoir repéré quelque chose, et Aiguille se hâta donc d'aller rejoindre la fausse gouvernante -du moins elle supposait cela. 

Il fallait qu'elle s'approche sans bruit, mais en même temps son expérience de la journée lui disait de ne pas trop brusquer Soarta sinon elle finirait bien avec un couteau sous la gorge. Comment fallait-il s'y prendre avec elle ? Sûrement pas en lui criant dessus. Alors Aiguille appela doucement, tout en se faufilant près d'elle. 

« Pss ! Soarta ! Je suis là ! »

Aucun garde n'était à l'horizon. Ce devrait être une bonne chose, mais étaient-elles vraiment en sécurité ? 

La lune se lève et des ombres se démarquent sur les remparts. Des gardes qui les surveillent. Attentifs et sérieux, ils tournent, font des rondes et n'hésitent pas à s'arrêter plusieurs secondes au moindre bruit suspect. En les comptant, en les comptant, on en dénombre sept. Quatre hommes et trois femmes. Cependant, deux des gardes - ceux les plus sur la gauche, situé sur le point le plus haut, dans une zone visiblement dépourvue de passerelles - semblent prit dans une conversation des plus interessante.

Spoiler:

La lune était en train de se lever, il ne leur restait pas énormément de temps. Néanmoins, la lumière de celle-ci éclairait plutôt bien, dessinant quelques ombres sur les remparts. Finalement, il y avait bien des gardes. Mais ils ne les avaient pas repérés. Car oui, Aiguille venait d'arriver, interpellant Soarta qui ne lui avait répondu qu'en tournant la tête dans sa direction avec un sourire, puis en plaçant son index sur sa bouche afin de lui faire comprendre qu'il ne fallait pas parler. Puis, retournant observer les remparts, elle distingua sept ombres. Deux étaient proches l'une de l'autre, et les sons que l'on pouvait percevoir tendaient à croire que ces deux gardes étaient en pleine discussion. De plus, on dirait qu'ils étaient au-dessus d'elles. Bien. Sinon, notre gouvernante arrivait à distinguer cinq autres ombres. Un autre groupe de deux, puis les autres étaient seuls. De temps en temps, l'un arrêtait de bouger, sûrement pour mieux observer ou alors pour écouter les bruits de la nuit, à l'affût d'un intrus.

Oui, la visibilité était suffisante, la nuit étant éclairée par la lune et quelques étoiles qui clairsemaient ce ciel noir sans nuage. Le mur devant lequel Soarta se trouvait était comme auréolé d'une lueur argentée, facilitant encore plus son observation. Vu comme ça, la pierre semblait plutôt facile à escalader, surtout si elle s'aidait de ses poignards. Les lames étaient assez fines pour rentrer dans les interstices, et au pire elle pourrait gratter un peu le mortier fixant les blocs entre eux. Vu qu'elles n'avaient pas encore été interpellées, on pouvait supposer qu'elles ne pouvaient être vues. Alors Soarta essaya d'escalader un peu, assurant ses prises, forçant sur le mur pour voir si elle ne glissait pas. Tout avait l'air d'être bon, mais plus haut ça risquait d'être plus compliqué. Elle ne devrait pas faire le moindre bruit, et puis est-ce que Aiguille parviendrait à la suivre ? Il lui faudrait ouvrir les portes... Mais ça attirerait forcément l'attention sur elles. Alors elle allait devoir immobiliser tous les gardes, sans exception. Ayant terminé sa réflexion, elle redescendit le mètre qu'elle avait grimpé, en atterrissant tout simplement sans bruit sur le sol. Elle se tourna vers celle qui l'accompagnait, qui s'était elle vêtue plutôt discrètement. Bien, ça faciliterait leur tâche. Il fallait qu'elle lui dise ce qu'elle allait faire et ce qu'elle même allait devoir faire aussi. Néanmoins, avant ça, elle jeta ses dés. 28, elle n'allait pas tuer les gardes mais juste se servir de son poison. Ca valait mieux de toute façon, à bien y réfléchir. C'étaient des Hearts, tout du moins ils travaillaient pour eux. Elle serait activement recherchée si jamais elle les tuait, et elle ne le souhaitait pas. Mais après, si le hasard le voulait, elle ne pourrait échapper à son rôle...

Mais elle ne pouvait le dire réellement à voix haute... Alors elle mima. D'abord, elle pointa les remparts, puis leva sept doigts. Elle se montra puis fit semblant d'escalader. Bien, première partie faite. Ensuite, elle pointa Aiguille et lui montra la porte, cette grande porte, tout en se collant contre le mur pour essayer de lui faire comprendre qu'elle devait être discrète. Retour sur elle, elle plaça ses mains pour représenter une porte, comme celle qui leur barrait le passage, puis qui s'ouvrait un tout petit peu, juste assez pour laisser passer une fine personne. A savoir Aiguille. Soarta cru comprendre qu'elle avait été comprise, alors elle commença à escalader le mur, doucement, lentement. Tout en regardant les ombres des autres gardes pour être certaines qu'elle ne serait pas repérée, elle continua son ascension. Néanmoins, elle dut bientôt gratter un peu le mortier avec l'une de ses dagues, car les prises se faisaient rares. Forcément, cela faisait un peu de bruit et de temps à autres, un garde semblait s'arrêter. A ce moment-là, Soarta s'immobilisait, se raidissant contre la paroi pour ne pas être vue. Quelques gouttes de sueur perlaient sur son front, certaines descendaient le long de son dos. Les battements de son coeur s'étaient accélérés, elle savait que si elle se plantait c'était certainement la mort. Mais plus que de la peur, elle était assez heureuse. Oui, ce qu'elle faisait lui plaisait, ça la grisait.

Finalement, elle arriva en haut. Un homme et une femme discutaient, mais ne la voyaient pas. Jour de chance, le hasard semblait être avec elle. Elle n'entendait pas énormément ce qu'ils disaient, mais ils semblaient absorbés par cette conversation. Elle essaya néanmoins de comprendre quelques bribes de leurs propos. Puis, discrètement, elle sortit deux couteaux de lancer, un dans chaque main. Puis, tout en se hissant par-dessus le mur, elle les lança. C'est à ce moment qu'ils la virent, mais trop tard pour l'un. L'arme s'était fichée dans son bras, et il tomba sur son amie. Ce qui eut pour conséquence de lui faire éviter l'arme lancée. Elle rattrapa son collègue, arrangeant par conséquent Soarta qui aurait repérée par le bruit. Le hasard était définitivement avec elle. S'élançant, elle sortit l'une de ses dagues et érafla la gorge du garde qui soutenait son ami, l'empêchant ainsi de pouvoir parer son coup. L'effet du poison ne se fit pas attendre, celle-ci commençant à tomber aussi. Néanmoins, la gouvernante avait prévu le coup et avait fait en sorte de pouvoir amortir leur chute assez délicatement pour ne pas que ça fasse trop de bruit. Bien entendu, elle ne le fit pas assez pour leur éviter quelques bleus. Puis elle refit connaissance de ce qui l'entourait. Ces deux personnes étaient assez isolées par rapport aux autres, ce qui faisait que personne n'avait été alerté mais aussi que ces deux corps ne seraient pas vus. Par contre, la femme se souviendrait d'elle, mais elle ne pouvait pas la tuer, malheureusement... Bah, il fallait bien une petite contrepartie par rapport à cette opération.

Observant vite fait les lieux, elle trouva la commande des portes. Une sorte de manivelle, et il semblerait que deux autres gardes puissent la voir, à première vue en tout cas. Les autres suivaient un autre chemin de ronde, et elle pouvait passer sans risque. Furtivement, elle alla donc partager le sort des deux précédents gardes aux deux autres. Puis elle descendit dans la cour, près de la manivelle. Il serait compliqué de l'activer seule, mais elle n'avait pas le choix. Alors elle commença à la tourner, priant pour qu'elle ait été huilée dernièrement. Elle n'ouvrirait la porte que très peu, juste assez pour qu'Aiguille puisse passer sans que personne ne voit qu'elle était ouverte...

"Aiguille, passe, vite !"

Elle avait parlé très bas, juste assez fort pour que quelqu'un de juste à côté de la porte puisse l'entendre. En espérant que ce soit celle qui l'accompagnait et pas une autre personne, et aussi en priant pour que personne ne se soit rendu compte de l'ouverture de cette satanée porte bien trop grande.

La nuit tombait et la lune se levait. Aiguille regarda le ciel un peu inquiète, étant bien consciente du fait qu'il ne leur restait peu de temps avant le couvre-feu. Celui-ci avait beau être à minuit, pour entrer, découvrir et rechercher des informations sur sa lettre, échapper aux regards des gardes, puis repartir sans être vues, demandait sûrement pas mal de temps. Aiguille soupira et se frotta les bras pour se réchauffer un petit peu. Sa seule compagnie était Soarta, qui semblait essayer de trouver un moyen d'entrer dans cet immense palais, dont la seule entrée visible était une porte tout aussi immense que le château. Celui-ci paraissait presque menaçant, les murs se découpant dans l'ombre du soir. 

Soarta l'avait accueillie cette fois-ci sans couteau, ce qui était plutôt agréable, mais avec un sourire et un petit signe pour qu'elle ne fasse pas de bruit. Aiguille lui répondit silencieusement en lui rendant son sourire, puis s'accroupit et essaya de repérer les gardes. 

La jeune femme sentit sa compagne bouger près d'elle. Tournant son regard vers sa camarade, elle écarquilla les yeux en l'observant escalader le mur. Puis elle lâcha prise, avant d'essayer de mimer ce qu'elles devaient faire. D'après ses mimiques, Aiguille avait compris que Soarta irait escalader les murs, qu'il y avait sept gardes, et qu'Aiguille devrait passer par la grande porte qui s'ouvrira. Et surtout, elle devait rester discrète. Ça, Aiguille allait obéir. Croupir en prison n'était pas sa grande passion, enfin pas qu'elle se souvienne d'y être déjà allée, mais... si les gardes les interpellaient, elles étaient cuites. Leur visage serait affiché sur tous les murs de la ville. Aiguille frissonna à cette pensée. 

Pendant qu'elle était perdue dans les méandres de son esprit, Soarta avait commencé son ascension. Aiguille se plaqua contre les remparts pour se fondre dans les pierres, quoique avec ses vêtements rouge sang, discrets mais pas très assortis avec la couleur des murs, cela ne fasse pas de différence. Ses yeux étaient posés sur son amie, qui sortit de son champ de vision en montant en haut. Il devait y avoir des gardes, car elle put voir Soarta lancer quelque chose, une arme très probablement. Aiguille espérait juste que sa camarade aux cheveux neige ne se blesserait pas, et que les gardes ne la remarquerait pas. Allaient-ils être tués ? Ou Soarta leur laisserait-elle la vie sauve ? Honnêtement, sur le moment Aiguille ne se souciait guère du sort des soldats qui entouraient le château.

Aiguille attendit encore quelques minutes dans le noir, priant pour que tout se passe bien. Personne ne pouvait la voir d'où elle était, et elle restait immobile dans l'ombre des remparts, ses yeux rivés sur la porte. Soudain, celle-ci s'ouvrit. Un tout petit peu, mais assez pour qu'une femme assez mince puisse passer. Soarta avait donc trouvé les mécanismes de la porte d'entrée. La trentenaire soupira doucement de soulagement puis regarda de tous les côtés. Les gardes semblaient avoir disparus, en tout cas près d'elle, et elle put entendre son amie l'appeler. 

Aiguille marcha à pas feutrés jusqu'à la porte, ses bottines ne faisant aucun bruit. Avec un dernier regard vers l'extérieur, elle s'engouffra dans le palais, rejoignant Soarta. 

D'abord intrigué par l'absence soudaine de ses camarades puis attiré par le bruit de la manivelle qui se tourne lentement sous ses pieds pour ouvrir la porte, l'un des gardes se penche et remarque l'ombre d'Aiguille pénétrer dans le château. Un cri.

« DES INTRUS PÉNÈTRENT DANS LE CHÂTEAU ! »

Une dizaine de garde sortent des salles de repos situés sur l'un des points culminants de la muraille et court en direction des deux inconscients. A gauche de Soarta se trouve une sorte d'ouverture vers un souterrain non éclairé.

Alors mes petits joueurs, trois choix s'offrent à vous. Vous fuyez, vous prenez les souterrains ou vous tentez de vous frayer un passage dans la cour, à travers la horde de garde qui accourent vers vous ?

La porte était ouverte, Aiguille l'avait rejointe, personne n'était mort et elles n'avaient pas été repérées. Tout se passait à merveille, enfin pour le moment. La nuit s'installait de plus en plus sur ce palais et cela n'inspirait pas tellement confiance à Soarta. Tout allait trop bien, ce n'était pas normal. Comment elles avaient pu rentrer aussi facilement, la nuit en plus ?

Le temps de se poser ces questions et il n'était plus nécessaire de le faire. Un hurlement, poussé d'une voix forte qui aurait pu faire trembler les bâtiments. Quelqu'un les avait vues et avait averti le reste de la garde. Aussitôt, des bruits en tout genre se firent entendre, mais surtout ceux de bottes cognant sur la pierre. De ce qu'elle voyait, une dizaine de gardes fonçaient sur elles, armes au poing et prêt à les massacrer. C'était naturel, c'étaient des intrus. Il fallait les éliminer, on s'en moquait de savoir qui elles étaient. Tout dans les muscles, rien dans la tête ces soldats. La finesse, ils ne connaissaient pas.

Soarta ne prit pas le temps de réfléchir, son corps le fit pour elle. Il devait être entraîné à agir sous des conditions telles que celles-ci, une chance pour elle. Un rapide coup d'oeil aux alentours lui apprit l'existence d'une entrée sur sa gauche, pas éclairée mais ça avait l'air de descendre. Des souterrains sans doute. D'où ils étaient, les gardes ne pouvaient la voir, il fallait en profiter.

"Fais-moi confiance", murmura la gouvernante à l'oreille de celle qu'elle accompagnait.

D'un coup sec, Soarta poussa Aiguille vers l'ouverture. Les gardes se rapprochaient, personne ne semblait avoir vu son amie. Faisant face à eux, elle leur lança un couteau qui fit mouche. L'un s'écroula, le reste redoubla d'ardeur.

"ATTRAPEZ-LA !", cria alors le sergent, très certainement.

Essayez toujours. Elle savait pertinemment qu'elle ne pourrait tous les affronter, alors elle fit demi-tour, passa la porte et tourna à droite. Tout de suite après, elle commença à escalader la-dite porte et se retrouva rapidement au-dessus de l'entrée. Les gardes sortirent au pas de course, aussi vite qu'ils le purent par cette minuscule ouverture. Ils tournèrent sur leur droite, pas un ne prit la peine de lever les yeux. Alors, aussi silencieuse qu'un chat à l'affût de sa proie, elle retomba au sol et retourna dans l'enceinte du palais. Un garde était à la traîne et la vit, commençant à ouvrir la bouche. Ni une ni deux, son corps réagit. Bondissant sur lui, elle lui passa l'un de ses poignards sous le cou. Il avait maintenant les yeux fermés, la sueur perlant sur son front. Mais il l'avait vue.

"Chuuut, ce sera bientôt terminé...", lui souffla-t'elle dans l'oreille.

Et d'un coup sec, elle l'égorgea. Du sang gicla, mais elle fut assez prompte pour se décaler et ne pas en avoir sur elle. Enfin, dans le peu de temps qu'il lui restait, elle fait éclabousser son arme en direction de la cour intérieure, puis l'essuya sur la tenue du cadavre et enfin emprunta le passage dans lequel elle avait envoyé Aiguille. Rapidement, elle la rejoignit en bas des escaliers. Elle était là, en face d'elle et semblait ne rien avoir. Bien. Prenant ses dés, Soarta les fit rouler dans sa main. 34. Elle allait maintenant suivre Aiguille.

"Excuse-moi de t'avoir poussée, mais il fallait réagir vite. J'espère que tu comprends.", sortit-elle naturellement avec un sourire.

"Je t'en prie, marche devant. On ne devrait rien craindre ici, enfin je suppose...", dit-elle tout en regardant les alentours.

Des souterrains. Avec un peu de chance, ils traversaient l'entièreté du palais et pourrait les conduire à l'intérieur des murs. Restait à trouver leur chemin à l'intérieur, sachant que c'était là leur unique porte de sortie. Les gardes n'allaient pas tarder à revenir, si ce n'était pas déjà le cas.

Rouge, rouge. La Reine aime le rouge. Mais repeindre sa cour du sang de ses gardes n'étaient peut être pas une bonne idée ♫

Les deux jeunes femmes sont à présent dans un long tunnel sombre. Non loin devant, une lueur perce les ténèbres, perchée sur une torche encastrée dans le mur par un cercle de fer, seule flamme vacillante dans ce noir le plus complet. En bas du cercle, deux petits trous semblent attendre qu'on les actionne. Le reste du tunnel n'est qu'un dédale sombre et inhospitalier à l'atmosphère remplit de poussière.

Aiguille se sentit projetée et dû garder l'équilibre pour ne pas tomber des escaliers. En fait, elle était juste poussée par Soarta, mais sur le moment ses sens étaient brouillés. Elle entendait des gardes venir, crier... elles s'étaient faites repérer. Et sa camarade lui avait murmuré quelques mots à l'oreille, sûrement un "ne t'en fais pas" ou "aies confiance". 

Aiguille se retrouva donc au pied des marches dans des souterrains, sombres et poussiéreux. Toute déboussolée, elle tenta de recouvrer ses esprits. Oui... elle avait passé la porte d'entrée sans encombre, mais un des gardes avait dû voir un mouvement ou une ombre. Et puis... ils s'étaient tous rués vers les deux jeunes filles. Heureusement, ils ne semblaient pas avoir remarqué Aiguille... celle-ci soupira. Soarta n'était pas avec elle, elle devait sûrement distraire les gardes. La femme aux cheveux bonbon s'assit, attendant sagement sa camarade. Elle savait qu'elle allait revenir. La gouvernante n'était pas du genre à se laisser tuer ou arrêter, ça c'était sûr. 

La main si habituée à manier les aiguilles à tricoter passa sur les murs et en retira la poussière. L'index était devenu noir : le ménage ne devait pas être fait très souvent... L'atmosphère n'était pas chaleureuse non plus, heureusement qu'il y avait une source de lumière plus loin. Assez faible, qui semblait pouvoir s'éteindre à tout moment. La vision d'Aiguille s'était habituée à l'obscurité et elle put mieux discerner les formes. Le tunnel semblait sans fond... 

Tout en essayent de distinguer la fin des souterrains, elle entendit des pas venir d'à côté. Aiguille se crispa et ferma son poing sur ses aiguilles, celles-ci s'enfonçant dans sa chair et faisant perler quelques gouttes de sang. Mais la silhouette qui venait de descendre les escaliers était nul autre que Soarta. Aiguille ne retint pas un soupir de soulagement. Elle ne savait pas ce qu'elle aurait fait si c'était un garde... elle ne voulait pas savoir ce qu'elle aurait essayé de faire. Ses doigts se détendirent et elle ferma les yeux, un grand sourire aux lèvres.

« Ne t'inquiètes pas de m'avoir poussée, nous étions vraiment dans une situation... épineuse. »

Aiguille remarqua que Soarta avait lancé ses dés. Elle ne savait que penser de cette méthode. En tout cas, la trentenaire n'avait pas envie de jouer sa vie en lançant des dés. C'était le mauvais moment pour poser des questions, mais elle demanda spontanément : 

« Tu aimes bien lancer tes dés j'ai l'impression. Ils doivent être chers à tes yeux, non ? »

C'était même plus une affirmation. Quoiqu'il en soit, elle n'attendait même pas une réponse. Si Soarta était dans le même cas qu'elle, elle ne devait avoir aucun souvenir, et ne pouvait pas répondre. Normalement... Ses pensées se dirigèrent donc vers la lettre avec le sceau et le fait que dans son morceau de mémoire Soarta et elle était dans une pièce aux rideaux rouges... Cela ne voulait rien dire, mais le rouge étant la couleur des Hearts... Je me fais des films ! Encore que... tiens, d'où sortait cette expression ? Un film ? 

Aiguille essaya de faire le blanc dans son esprit et marcha. Ses pieds semblaient attirés par la lumière, car elle rasait presque le mur et se retrouva devant la torche. Dans le cercle de fer qui la maintenait au mur, se trouvaient deux trous. C'en était trop pour Aiguille, tant de mystères ! Elle ne pouvait pas résister à ce qui pourrait être un mécanisme pour un passage secret et c'est donc tout naturellement qu'elle essaya de l'enclencher. 

Elle mit deux doigts dans le trou, appuyant longtemps. Aiguille était impatience qu'il se passe quelque chose, c'était presque un plaisir enfantin. 

« Hé hé ! J'espère qu'il y aura un truc qui se déclenchera ! »

Avant de penser que c'était peut-être un piège. Elle retira ses doigts comme s'ils étaient brûlés. Mais c'était trop tard, elle avait déjà testé la chose. 

Les murs tremblent. La torche se décroche et tombe au pied d'Aiguille, mais cependant ne s'éteint pas. L'air se remplit encore plus de poussière qui semble tomber directement du plafond qui, lui, se fendille. Le tunnel, prit d'un curieux mécanisme, s'affaisse rapidement derrière les deux femmes. Au bout du tunnel, encore long d'un kilomètre, se trouve la salle des archives du palais.

Vite, courez petites choses, avant que les boyaux de la Reine ne vous digère.

Une remarque de celle qu'elle accompagnait. Ses dés, chers à ses yeux ? Certainement. Avec son souvenir retrouvé, elle comprenait certaines choses, et d'autres questions se soulevaient. Elle était petite. Ce devait être l'une des seules choses qui lui restait des gens qui l'avaient élevée.

"Oui, ils me disent quoi faire. C'est... un souvenir de mon enfance.", répondit-elle doucement, encore baissée.

Soarta tendit l'oreille pendant qu'elle suivait Aiguille. Aucun son, mis à part celui de leurs propres pas. Les gardes ne les suivaient pas dans ce dédale sombre et humide, à raison. Quel genre de fou oserait pénétrer ces tortueux boyaux, dont la seule issue serait celle de se perdre dans ses méandres ? Elles en tout cas, on dirait bien. Ce genre de personnes prêtes à s'infiltrer dans certainement le lieu le mieux gardé de la région, et tout ça pour quoi ? Par simple envie, par curiosité ? Pour sa part, elle avait profité du fait qu'Aiguille voulait y aller, et ainsi voir, savoir pourquoi elle se souvenait d'une attaque orchestrée par des soldats portant semble-t'il les armoiries Heart.

Mais qu'importe. Une lueur se faisait voir au loin. Une torche ? C'était vacillant, ce devait être ça. Une unique lumière dans ce long couloir de ténèbres. Un peu trop cousu de fils blancs cette histoire, on aurait dit que quelqu'un avait tissé pour elles un chemin, elle se sentait manipulée. Son acolyte se plaça en face. Deux fentes se trouvaient en-dessous du support de la torche. Deux fentes qu'elle combla, actionnant le mécanisme. Soarta aurait fait de même. Pourquoi ? Tout simplement, que faire d'autre ? Retourner en arrière n'était pas une solution, il fallait continuer d'avancer. Par conséquent, si on trouve un mécanisme, autant l'enclencher.

Un bruit. Sourd et grondant. Quelque chose s'est activé. Aiguille se demandait si quelque chose allait se passer ? Et bien, ce n'était plus le moment de se poser la question, elle avait maintenant sa réponse. Il ne servait à rien de retirer ses doigts, on ne pouvait revenir en arrière. Ce qui est fait est fait, telle est la réalité.

Ce qu'il arriva ? Un tunnel s'ouvrit devant elles. La torche était tombée au sol tout en restant allumée. Mais elle n'aurait pas le temps de la ramasser. Pourquoi ? Parce que de là où elle venait, le plafond s'effondrait. Mais au bout du chemin ouvert, quelques lumières se faisaient voir.. En espérant que ce ne soit pas la dernière lumière blanche au bout du tunnel qui les appelait de sa si douce voix.

"Court, et vite ! Te retourne pas !", cria Soarta tout en shootant dans la torche.

Alors elle s'élança et attrapa de sa main droite ce dans quoi elle avait tapé. Ce serait utile, afin de voir où elles courrait. Aiguille était derrière elle, elle le savait. Elle la suivait dans sa course effrénée contre la Mort qui rampe. Toujours le flambeau devant elle, elle vit une goutte de sueur perler. Son souffle se fit court, mais elle ne pouvait ralentir. Il lui semblait que tout s'écroulait. Bon sang, pourquoi elle était venue ici ?

Combien de temps s'était écoulé déjà ? Aucune idée, mais cela lui semblait une éternité. Mais enfin, elles arrivèrent toutes deux au bout de leur course effrénée. Les mains sur les genoux, Soarta commença à reprendre son souffle. Ca allait, elle avait déjà connu pire, elle se releva donc rapidement. Essuyant son front, elle regarda la pièce dans laquelle elle était. Des livres. Des parchemins. Une bibliothèque ? Elle prit un papier au hasard, découvrant une liste de noms. Ceux des gardes présents il y a vingt ans. Des archives. On dirait qu'elles venaient de trouver la salle la plus intéressante qui puisse être pour quelqu'un ayant perdu sa mémoire.

"Aiguille, fouillons cette pièce, je pense que c'est une sorte de salle des archives. On aura peut-être un plan du Palais ?, sortit-elle innocemment, alors qu'elle voulait en priorité chercher des informations la concernant.

Bien entendu, ça n'allait pas être simple de trouver. Soarta tendit la main, et attrapa un autre papier. "Liste des plats préférés de sa Majesté il y a sept jours". Et bien, elle changeait souvent de goûts. Encore un autre tiens, "Rapport sur le lastuck perdu de la Reine". Pauvre animal...

Au bout d'une heure, elle n'avait toujours rien trouvé, mis à part des rapports couvrant tout et n'importe quoi. Elle avait même trouvé une généalogie des servants du Palais d'il y a soixante ans. Elle ne regardait même pas ce que faisait Aiguille. Dépitée, elle lança ses dés. 4. Elle regarda derrière elle, tendit son bras et attrapa cette fois un livre. "Registre des hauts-gradés". Ca pourrait être intéressant.

Immédiatement après, une secousse envahit les souterrains. Ceux-ci commencèrent à s'effondrer, obligeant les deux jeunes femmes à fuir l'éboulement. Aiguille commençait à se demander si le destin avait quelque chose contre elles, car pour l'instant elles enchainaient mésaventures sur mésaventures. Son esprit entra en mode "survivre" et ses jambes obéirent au mouvement.

Aiguille n'avait pas la même fougue de la jeunesse que Soarta et courait moins vite. La poussière provoquée par l'effritement de la roche touchait les cheveux roses de la trentenaire et se fit un plaisir d'y rester. Mais loin d'avoir le réflexe de nettoyer ses cheveux, la femme continuait de courir. Mais quand ce qu'avait crié Soarta monta enfin à son cerveau, elle lança : 

« Tu crois que je vais me retourner pour le plaisir de voir les rochers s'affaisser et pour agoniser dessous ?! »

Sa franchise naturelle ne pouvait pas s'empêcher de lui répondre. Mais tout de suite après, Aiguille serra les dents et accéléra le rythme. C'était loin d'être une petite course pépère tranquille, mais l'adrénaline empêchait toute forme de fatigue s'installer. 

Quand elle aperçut enfin ce qui semblait être la fin du tunnel, elle cru que c'était l'entrée au paradis. Aiguille se jeta pratiquement dans la pièce, tombant sur le sol d'une manière assez peu artistique. Elle se releva lentement, mais ses jambes ne suivaient plus et refusèrent de se lever. Elle resta donc un moment par terre, ses cheveux roses décoiffés et le souffle court. Aiguille se demandait bien pourquoi elle avait actionné le mécanisme, elle et sa fichue curiosité... elle maudissait intérieurement l'idiot qui avait posé ce piège. 

Les paroles de Soarta la ramenèrent à la réalité. D'après son amie, c'était une salle des archives. Archives. Ce mot résonnait dans la tête d'Aiguille. Celle-ci se releva, ignorant la douleur dans ses jambes et analysa la pièce. Elle était remplie de papiers et de livres en tout genre, c'était une véritable mine d'informations. Soarta prétendait vouloir un plan, mais Aiguille savait bien que dans les archives, on trouvait bien plus que des plans. Elle était friande de potins, et puis quoi de mieux que de découvrir des informations ? Qui sait, il y avait peut-être des choses sur elle et la lettre... 

Elle commença à éplucher les papiers contenant des informations diverses et inutiles, comme les robes commandées et portées par la Reine, ou bien le registre de ses animaux, ou encore les rapports des divers menus... Aiguille se sentait vraiment au paradis. Elle retint un petit rire, et continua à s'alimenter en ragot pendant des dizaines et des dizaines de minutes. Elle en oubliait presque son objectif premier : retrouver ses souvenirs, surtout ceux liés aux Heart, s'il y en avait. Elle pourrait toujours essayer de trouver le courrier de la reine ou de la famille royale, si c'était stocké ici. Mais elle avait beau chercher, elle ne trouvait rien d'autre, dans les lettres, de très intéressant. 

Puis, la jeune femme se tourna vers Soarta, qui regardait d'autres documents. Elle jeta un coup d'oeil par dessus son épaule pour regarder la trouvaille de sa compagne aux cheveux blancs. "Registre des haut-gradés" Intéressée, Aiguille lorgna discrètement (ou pas) le livre que tenait son amie. Elle ne voulait manquer pour rien au monde les infos croustillantes qui pourraient se trouver dedans...

Lorsque Soarta ouvre le livre du registre des hauts gradés, les pages semblent se tourner d'elles-mêmes entre ses mains pour arriver tout d'abord sur une page entièrement dédiée à Aiguille. Les lettres qui s'y trouvent s'animent et s'élèvent hors des pages, entourant Aiguille de leur belle calligraphie. La lettre A vient se fixer sur le poignée de la femme aux cheveux roses et s'y colle pour l'éternité, lâchant par la même occasion, l'un de ses précieux souvenirs dans l'esprit de sa propriétaire.

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Puis les pages se tournent de nouveau, rapidement, et s'arrête sur une page entièrement dédiée à Soarta. Les lettres s'animent encore une fois, tournent autour de Soarta et la lettre S vient se poser sur son poignet, libérant à son tour un souvenir dans l'esprit de la femme aux cheveux blancs.

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