Emy Lee. J'ai plusieurs fois vu l'affiche de son concert en ville avant de me décider à prendre une place. Un récital de piano est toujours agréable, d'autant plus que pour avoir sa tête placardée autant de fois par kilomètre carré, l'artiste doit déjà avoir une certaine renommée. Son nom me disait vaguement quelque chose... Pour ne pas être beaucoup sortie de ma grotte ces dernières années et ne possédant pas de télé -vu la m*rde qu'ils passent ça vaut pas le coup-, il est normal que je n'ai pas entendu parler de cette pianiste.

Et pourtant... Et pourtant ! Je ne me suis pas attendu à un tel niveau et la prestation m'a semblé durer quelques minutes à peine, là où le concert de rock français dans lequel m'avait traîné une amie la semaine précédente s'était éternisé.
Étant venu seul et me trouvant bien en-dessous de la moyenne d'âge de la salle, je suis frustré de ne pouvoir parler à personne de ce qui vient de se passer sur scène.
Une fois dehors, je prends la direction de l'entrée des artistes sans hésité. La fameuse Emy Lee m'a fait voyagé et je compte bien lui dire. Un peu tête brûlée sur ce coup-là, je l'avoue, mais ma connaissance des lieux me laisse penser de manière absurde que je vais pouvoir approcher la musicienne.

Après un complexe circuit de passages peu connus que j'emprunte pour ne me faire voir de personne, je garde mon téléphone à mon oreille et fais mine de parler d'une prochaine tournée, inventant dès que quelqu'un m'approche d'un peu trop près... Basique comme technique, mais efficace.
Je bifurque du côté des loges en regardant une dernière fois derrière moi et heurte une armoire à glace. Ou ce qui s'en rapproche. J'aurais dû regarder devant en fait...

— Qui êtes-vous ? Vous n'avez pas le droit d'entrer sans autorisation !

Il m'a pris au dépourvu ! Élaboration express de mensonge : ON.

— … ...Je devais-...

La pianiste sort de sa loge et intervient. Mais l'autre ne me laisse pas en placer une.

— Mme Lee, veuillez nous excusez pour le bruit mais il n'a pas d'autorisation pour venir et-...

— Qu'est-ce que vous en savez ? Je suis là pour vérifier si les cadeaux laissés par les fans ne comportent rien de dangereux.

En espérant très très très fort que la demoiselle ait reçu des présents. Parce que mon gabarit ne me permet pas franchement de faire le poids face à King Kong ici présent. Je compte sur le regard sérieux et irascible que je lui lance. Chacun a à disposition des moyens d'intimidation différents.

— J'en ai pour peu de temps. Mais s'il arrive quelque chose à Emy à cause d'une vérification non effectuée, ce sera de votre faute.

J'utilise volontairement le prénom de la jeune fille "pour faire genre" mais...oui peut-être que je ferais mieux de ne pas trop en faire. Et de la fermer rapidement.
Bien sûr, le stress soudain et l'adrénaline lâchée au galop sous ma peau me font perdre de vue mon objectif initial : dire à l'artiste que j'ai adoré. Alors que je peux simplement lui parler, maintenant qu'elle est sortie de sa loge, puis prendre mes jambes à mon coup... Gardons ça en plan B.