Coraline trottinait un peu partout dans la zone où les partenaires devaient se retrouver, brandissant fièrement une pancarte avec écrit "12" dessus. C'est qu'elle avait prévu tout le matériel pour faire cette pancarte ! Elle s'était ramenée avec un carton et un assortiment de stylos colorés parfumés vanille fraise framboise et myrtille (mais la meilleure odeur c'était vanille quand même). Puis, peu après avoir reçu son numéro (12), elle s'était mis au boulot et l'avait écrit tellement resplendissant que son ou sa partenaire ne pourrait que le remarquer. Quelle ingéniosité de la part de la petite Coraline !

Ce n'était pas parce qu'elle était restée plusieurs mois en convalescence qu'elle en était forcément ressortir toute ramollie. Bon, il fallait avouer qu'elle n'était pas au mieux de sa forme, mais elle avait vu pire ! En fait, ce n'était pas la maladie qui avait été le plus dur à supporter, mais plutôt sa famille qui avait été totalement paniquée. Coraline avait eu l'impression qu'ils allaient s'évanouir à chaque fois qu'ils lui rendaient visite. Ses parents ne l'ont même pas grondée ! Et pourtant, c'est bien parce qu'elle avait fait la folle dans tout Paris en temps d'épidémie qu'elle s'était retrouvée clouée au lit (d'hôpital). Heureusement, elle avait regardé des films. Autant dire que sa culture cinématographique avait augmenté de 110% durant les derniers mois. Et la jeune fille avait particulièrement aimé les westerns.

En tout cas, quand le virus disparut, un grand bal costumé fut organisé, avec tirage au sort pour avoir un partenaire de danse. Coraline se devait d'y aller, sachant qu'elle était une des heureuse personnes qui avaient réchappé (vivant) à la maladie. Avec l'accord de ses parents, Coco s'y était rendue avec joie, sans oublier ses préparatifs : le matériel pour marquer son numéro, et bien sûr, son déguisement. Elle s'était habillée en cowboy (ou cowgirl ?) avec tout le tintouin, chapeau classe, bottes qui sont... Enfin voilà quoi, des bottes de cowboy, la veste à franges, les pistolets à eau fluo (des armes trop réalistes auraient été mal vues), et la moustache postiche (?).

Et maintenant qu'elle terminait de faire son flashback, elle pensait qu'elle était quand même vachement débile comme ça. Mais bon, les gens penseraient sûrement que c'est normal pour une gamine comme elle. C'était vrai qu'on pensait souvent que Coraline avait 12 ans. D'ailleurs, son partenaire n'avait pas intérêt à être un type louche. À cette pensée, son enthousiasme en prit un petit coup.

Et ce n'était pas le seul d'ailleurs, car Coraline rentra dans une autre personne. La petite ne vit rien d'autre, pendant un instant, que des cheveux roux. Avant de se rendre compte qu'il fallait arrêter de marcher, et de prendre un peu de recul.

« Oups ! Je suis désolée madame ! »

Si jamais cette madame se retournait et était en fait un homme au cheveux longs, elle aurait la honte. Mais au vu des hanches qu'elle avait, ce serait peu probable... Mais qui sait, les hommes aussi peuvent aimer mettre de belles combinaisons noires et moulantes.

Coraline était relativement soulagée d'avoir affaire à une femme comme elle le pensait. En plus, la fille rousse semblait plutôt gentille : elle n'avait pas semblé agacée quand la petite Coraline lui était rentrée dedans, et en plus elle s'inquiétait ! La fille aux cheveux noirs secoua simplement la tête en guise de réponse.

Une bonne chose en amenant une autre, la jeune femme avoua que le 12 était aussi son numéro. Que le monde était petit ! Coraline avait bien eu de la chance de rentrer dans sa partenaire ! Par contre, la phrase qui suivit était la question qui fâche. « Où sont tes parents ? » était toujours posé, et même si elle savait que ça partait d'une bonne intention, elle avait parfois l'impression qu'on la prenait plus pour un gros bébé qu'autre chose. Même à 12 ou 13 ans, certains enfants sortaient déjà tout seuls en ville ! Coraline fit juste un petit sourire en haussant les épaules.

« Eh bien, ce ne serait pas vraiment une fête si j'étais toujours accompagnée de mes parents. »

Puis la jeune femme se présenta : elle s'appelait donc Claire. Coraline avait vraiment eu de la chance, sur les milliers de personnes habitant à Paris, elle était tombée sur une fille très gentille. Coraline était parfois tombée, en se promenant par exemple, sur des personnes mal aimables ou encore carrément louches. Claire ne semblant pas faire partie d'une de ses deux catégories (encore que, les gens louches ont souvent des attitudes gentilles et aimables... Dans le sens "je te donne un bonbon ma petite ?"), Coraline put se détendre en arrêtant de stresser sur l'identité de son partenaire.

« J'm'appelle Coraline ! Enchantée mademoiselle ! » puis, en lissant sa fausse moustache, elle jeta un regard sur la piste de danse. « Mmh, il faudrait s'en aller de la zone pour chercher les partenaires, non ? On pourrait commencer à danser ! Je suis pas très bonne, mais si on se contente de se tortiller comme si on dansait, ça pourrait aller. Et heu... Par contre je vais juste prendre un truc à manger, je veux pas bouger le ventre vide. »

L'appel de son ventre la dirigea en trottinant (c'était Coraline qui trottinait, pas son ventre) vers le buffet. Elle attrapa rapidement quatre petits fours, et mangea le premier en revenant vers Claire.

« Vous... Tu en veux un ? »

Coraline était un peu hésitante sur le fait de vouvoyer ou de tutoyer la rouquine. Pour la petite demoiselle, c'était simple : si on était plus âgée qu'elle, elle vouvoyait, sinon elle tutoyait. Et comme elle ne connaissait pas l'âge de la jeune femme en face d'elle... Et ce n'était pas très poli de demander non plus. Bien entendu, elle tutoyait certaines personnes plus âgées, comme Anicée par exemple, mais bon, c'était rare.

Coraline avala la moitié d'un deuxième petit four. Bizarrement, celui-ci avait un autre goût que le premier... Elle ne le finit pas, et le regarda d'un air suspicieux. Elle enleva un petit morceau, puis le tendit à Claire.

« Mademoiselle... Est-ce que vous trouvez un goût étrange à ce petit four ? Ou c'est moi... ? »

Coraline n'avait pas l'intention d'empoisonner Claire, mais bon, il fallait savoir si c'était juste son palais qui déconnait ou si ce petit four avait un ingrédient un peu louche dedans...

Coraline fit une grimace qui signifiait "oups" en voyant Claire se précipiter vers le buffet pour enlever le goût du petit four. Puis elle fit une moue d'admiration devant la jeune femme qui s'était vidé tout le saladier de ce truc alcoolisé. Bien que la petite ne sache pas trop si Claire était bien au courant de ce qu'elle buvait. Bah, elle est grande, si elle se met à faire n'importe quoi, ce ne sera pas de la faute de Coraline...

Elle prit le verre gentiment proposé par sa partenaire, qui commençait à avoir les joues rouges, et... En fait, pas que les joues. L'effet punch arrivait vite. Coraline eut juste le temps de finir sa boisson, quand Claire s'élança sur la piste, tel John Travolta. Cela rappelait curieusement certaines danses disco de Just Dance à Coraline... D'ailleurs, la pauvre rousse perdait son esprit, l'appelant "Cocotte" et l'invitant à danser. Coraline était partagée... En même temps, elle se sentait un peu honteuse, comme quand sa mère se mettait à chanter un air qu'elle connaissait au supermarché car la chanson passait, mais aussi, la fougue de la jeunesse commençait à prendre Coco. Celle-ci ne trouvait en plus pas déplaisant l'idée de danser, même si c'était pour faire n'importe quoi (le ridicule ne tue pas, et ce qui ne tue pas rend plus fort), avec une si belle jeune fille...

Avec un grand sourire, la petite demoiselle couru aussi vers la piste, après avoir déposé son verre. Elle imitait avec joie les mouvements de sa partenaire. Elles devaient avoir l'air bien fines, toutes les deux. Mais après, c'était le but d'une fête. Coraline avait la tête relevée, essayant de regarder Claire dans les yeux. La rouquine était bien plus grande que la pauvre Coco, qui était sûre d'avoir un torticolis avant la fin de la soirée. Plusieurs fois, la petite dut se raccrocher à sa partenaire, car sa tête commençait à tourner et elle ne voulait pas s'écraser comme une crêpe.

Coraline décida, pendant qu'elles se tortillaient d'un rythme endiablé, d'apprendre à connaître la jeune femme qui dansait la langouste devant elle. Elle haussa la voix, pour être sûre d'être entendue.

« Quel âge avez-vous, mademoiselle ? »

C'était toujours le moment de vérité, l'âge d'une personne. Coraline aimait bien savoir l'âge des autres gens. Peut-être pour comparer avec elle. Et puis, Coraline était intéressée par Claire. Ses cheveux lui rappelaient ceux de sa sœur et de son frère. En fait, c'était une raison un peu bête de vouloir connaître une personne, Coraline avait toujours aimé les chevelures rousses.

19 ans ? Mais c'est que Coraline était plus grande que Claire ! La petite allait pouvoir la tutoyer sans complexe, alors. Cet âge étonnait la fille aux cheveux noirs : elle pensait que sa partenaire était plus âgée, elle paraissait... Sage, comme les grands adultes. Et elle n'avait même pas vingt ans ! Coraline songea à revoir son comportement, peut-être que les gens la prendrait pour plus âgée si elle comportait en adulte responsable.

D'ailleurs, entre les deux jeunes filles, c'était clairement Coraline la plus responsable à ce moment. Claire semblait définitivement dans un autre monde. Coraline pensa qu'elle devrait essayer de boire aussi (enfin, dépasser le stade du Champomy), car sa partenaire avait l'air tellement... Heureuse, que ce devait être une expérience intéressante de devenir ivre. En fait, Coraline suspectait que ce punch avait autre chose dedans que de l'alcool, et que soit Claire était totalement défoncée, ou alors qu'elle tenait mal l'alcool. Très mal, la rouquine commençait à chanter, et pas vraiment joliment, et à... Ben... Même Coraline trouvait ça à la limite de l'indécent, et préféra continuer sa gentille petite danse. Mais il fallait avouer que c'était drôle, ces déhanchements sexy. Coco espérait simplement que Claire ne se pète pas une hanche.

La tête lui tournait après des minutes, ou des heures, elle ne savait pas, de danse intensive, et elle se retrancha avec Claire près du buffet. La petite demoiselle fronça les sourcils en voyant sa camarade se resservir un verre et trinquer avec elle, et tout en buvant le sien rempli de cola, elle vérifiait que Claire ne s'évanouisse pas subitement, à cause d'un taux d'alcool trop fort. La jeune femme fit un commentaire sur le goût épicé de sa boisson, comme quoi elle pourrait cracher des flammes. Entre deux éclats de rire, Coraline espéra que Claire ne vomisse pas au lieu de cracher des flammes. Puis sa partenaire lui proposa cette même boisson, que la normande prit, par curiosité. Elle n'avait pas pris deux gorgées qu'elle se sentait déjà mal. Bon, l'alcool fort, c'était pas pour tout de suite.

Puis Claire, un peu calmée, s'enquit de ses passions, de sa vie, bref, elle s'intéressait à Coraline, et ce n'était pas pour déplaire à cette dernière, qui commença derechef à exposer sa vie. Ce n'était pas tous les jours qu'on s'intéressait à une gamine comme elle.

« Alors ! Ben déjà moi je suis née en Normandie, mais j'ai déménagé à Paris il y a quelques années. J'habite dans un super appartement, et j'adore jouer aux jeux vidéos ! Surtout les RPG. Sans parler de lire des romans policiers, fantastiques, fantaisistes, des bandes dessinées aussi. J'ai essayé de jouer à un instrument, mais je suis nulle ! Oh, et j'ai un grand frère et une petite sœur, ils sont super géniaux ! D'ailleurs, il sont roux, comme toi ! Ma petite sœur doit avoir avoir à peu près trois ans de plus que toi, je pense. Vous pourrez sûrement bien vous entendre... »

Puis Coraline se coupa, consciente d'avoir laissé échapper quelque chose de louche. Ah, oui. Une petite sœur de 22 ans, quand on ressemble à un gosse de 13, c'était pas très crédible. Mais bon, Claire était ivre, elle l'oubliera sûrement vite, ou alors ne l'entendra même pas. Coco reprit rapidement, pour ne pas laisser son amie méditer trop longtemps sur ses dernières paroles.

« Et toi alors ? Tu fais quoi dans la vie ? Tu as de la famille ? Et quel est le genre de personne que tu aimes ? »

Elle avait repris la seule question de Claire à laquelle elle n'avait pas répondu. En même temps, c'était un peu dur pour Coco de définir le genre de gens qu'elle aime... Sa sœur, son frère, Ajay, Anicée, Thyl... Le monsieur aveugle aussi, dans une certaine mesure... Et plein d'autres... Mais elle ne pourrait pas les décrire. Par contre, la fausse fillette était intéressée par la réponse de Claire. Elle se demandait bien si toutes les deux pouvaient devenir vraiment amies.

Coraline écouta avec attention Claire en dire un peu plus sur elle. La petite nota mentalement le nom de la rue où elle travaillait, en se faisant la promesse d'y aller pour revoir la jeune rousse., et pour en plus se faire tirer le portrait. Coraline fut par contre un peu peinée de voir que Claire n'avait pas l'air de beaucoup aimer ses parents. C'était étrange de penser de ses parents qu'ils étaient des fous furieux, mais peut-être que c'était juste la normande qui était trop naïve. Puis Coraline ne sut pas comment se sentir après avoir appris que sa partenaire aimait les blondes. D'ailleurs, Coraline ne savait même pas vraiment quel était le sens de sa question "quel genre de personne tu aimes". La petite avait oublié si c'était aimer au sens ami ou aimer au sens... ben amour. Coraline opta pour la première option. Peut-être que ça enlèverait cette étrange sensation de déception qu'elle ressentait.

Et, après un verre, Claire lui demanda de lui présenter sa sœur, un jour. Coraline, là encore, ne savait pas si sa camarade voulait flirter avec Juliette, ou juste se faire une nouvelle amie, mais la jeune fille aux cheveux noirs répondit, et précisa, au cas où (pour éviter d'étranges situations) :

« D'accord ! Mais je crois qu'elle a une préférence pour les garçons. »

Puis, réalisant que Claire n'avait pas passé outre sa remarque sur sa famille, Coco espéra qu'elle n'aborderait pas le sujet de l'âge... Raté. L'information avait mis du temps pour arriver au cerveau, mais elle était arrivée, et Claire commença à comprendre la situation... ou pas. Voilà que la demoiselle était prise pour un vampire. C'était bien la première fois qu'on lui faisait cette remarque : les gens ne pensaient pas vraiment aux vampires, mais plutôt à une anomalie. Mais c'était plutôt sympa d'être comparée à d'étrange créatures de la nuit, classes, immortelles et tout et tout. Ça rendrait presque la chose agréable, de penser qu'on est immortelle. Coraline décida de jouer le jeu avec Claire, de toute façon, cette dernière était tellement ivre qu'elle ne se souviendrait pas de grand-chose le lendemain, et l'apparition de Coraline vampire ne sera qu'un mirage... Ça pourrait faire un bon scénario de film, pensa en gloussant Coco.

« Ouaip, tu m'as eue ! Je suis sortie exceptionnellement ce soir, mais je ne pensais pas qu'on découvrirait mon identité. Je ressemble à une petite de 14 ans, mais en fait... » Coraline réfléchit rapidement, quel âge serait intéressant... « ... J'en ai 260 ! »

Ajouter un 0 à son vrai âge, quel génie. Donc... sa naissance atterrissait dans les années 1750. Coraline essaya de se rappeler tout ce qui s'était passé à cette époque. Elle pourrait s'inventer une super vie ! Pour se donner une contenance plus "vampirique", Coraline rempli son verre avec le premier truc rouge qu'elle trouva, et le but de la manière la plus mystérieuse qu'elle pouvait. Qui sait, en continuant ce manège, elle deviendrait peut-être un vrai vampire !