Curieusement votre.

Aujourd'hui, tu n'avais pas cours. Ou du moins, tu ne voulais pas aller à certains d'entre eux. Tu trouvais qu'il était tellement plus simple d'apprendre sur le terrain qu'en étant enfermé dans un amphithéâtre ou dans une salle quelconque. Cependant, tous les gens autour de toi vaquaient à leurs occupations, ce qui t'empêchait de prendre ton temps pour observer. C'était problématique. Dans ces moments là, tu regrettais de ne pas habiter dans une ville plus petite, où il y avait des bancs partout et assez d'espace pour regarder la personne assise face à toi afin d'essayer de lire en elle. On pouvait prétendre que c'était un jeu un peu pervers auquel tu te prêtais, mais qu'importe. C'était ce qui te plaisait.

La chaleur qui se présentait te dérangeait par contre. Tu ne voulais pas montrer tout ce qui jonchait ton corps alors tu te devais de porter toujours une veste. Même en plein été, même pendant des journées caniculaires. Ca te montait à la tête, ça te donnait envie de faire un truc totalement fou. Le saut à l'élastique était la première chose qui t'était venue à l'esprit lorsque tu avais pensé à bouger. Mais ce n'était pas pratique non plus. Le manque de sécurité ne te faisait pas peur, la foule ne te dérangeait pas. Avoir accès à un point assez élevé n'était pas évident et tu ne te baladais pas avec un tel élastique sur toi tous les jours. Mais tu te promis d'y songer, au cas où l'idée referait surface.

Petit à petit, tu te rendis compte que tu ne faisais plus vraiment attention quant à la direction vers laquelle tu allais. Tu avais pensé passer au Louvre, les vingt mille visiteurs quotidiens de la Joconde seraient sûrement fascinants à observer, mais tu t'y étais résigné. Trop de monde dans une même petite pièce te rappelant les cours, non merci. Tu aurais eu envie de tuer quelqu'un, et ça aurait pu poser problème au vu de ton passé, bien que tu fasses attention à ce que personne ne sache ce que tu as pu faire auparavant.

Tes pas te dirigèrent donc instinctivement vers un coin d'herbe, et tu eus un sourire en voyant ça. Tu pourrais te poser tranquillement, sans que l'on vienne te demander ce que tu faisais, pourquoi tu étais là, pourquoi tu fixais telle ou telle personne aussi longtemps. Comme quoi, le hasard faisait bien les choses parfois. Et en parlant de hasard, tu vis une tête blanche, encore plus que la tienne, au loin. Tu en avais vu parfois, mais celle-là, il te semblait la connaître vaguement, l'avoir déjà vue quelque part. Tu fis fonctionner tant bien que mal ta mémoire jusqu'à te souvenir. Tu savais que c'était une fille, mais ça s'arrêtait là. Tu n'avais même pas son nom. Et vu qu'elle t'intriguait, c'était une bonne raison pour aller la voir. Juste le nom suffirait si elle refusait de parler. Internet fera le reste.

Tu t'avanças vers elle d'un pas assuré, sans craintes et souriant, comme à ton habitude. Et sans que l'on t'y autorise, tu te penchas vers la demoiselle, après avoir regardé l'endroit qu'elle fixait, ou plutôt les personnes qui semblaient l'intéresser.

« Tu veux leur demander quelque chose ? Si t'oses pas je peux le faire à ta place, mais ça a un coup bien sûr. Enfin rien d'important, juste ton nom. »

Tu avais dit ça d'une traite, ne te souciant pas du regard que l'on portait sur toi. Au final, tu t'installas totalement à ses côtés, en tailleur, les coudes sur tes genoux et la tête appuyée sur tes mains. Puis tu la fixas. Tu avais cru apercevoir qu'elle ne semblait pas à l'aise en ta présence. Ca serait l'occasion où jamais de confirmer, donc tu n'avais rien à perdre, tout à gagner.

Informations, suppositions.

Oh oui tu lui faisais de l'effet à la petite. Et pas n'importe lequel. Même si elle essayait de se maîtriser, elle tremblait, ça sautait aux yeux. Ca te plaisait, qu'on réagisse ainsi en te voyant. Tu avais cette impression de domination de l'autre, que tu ne connaissais habituellement que grâce aux personnes pas vraiment fréquentables à qui tu empruntais le lit pour une nuit. Tu ne retins aucunement ton sourire, en ayant aperçu la façon dont elle avait agit face à toi. Charmant, mais cruel, c'était ta façon d'être que tu montrais sans aucune honte. Et elle ne ferait pas exception à la règle, surtout depuis l'instant où elle semblait avoir compris ton caractère. D'ailleurs, ça te paraissait tout de même étrange. Tu as l'apparence d'un garçon chaleureux qui aide son prochain au premier abord. Du moins, c'était ce que la plupart des personnes que tu as rencontré jusque là pensaient. Alors comment ?

Pendant qu'elle s'installait à son tour dans la position que tu avais adopté, ton esprit eut un déclic. Ainsi, semblait-il que tu réfléchissais à une réponse adaptée à sa question, ce qui n'était pas réellement le cas. Tu pensais à son prénom. Une fille, ressemblant trait pour trait à un adolescent et portant surtout un prénom masculin. C'était clairement anormal. Et ça t'intriguait encore plus qu'à ton arrivée. Ton air songeur disparut pour laisser place au même sourire que tu abordais il y a quelques minutes. Quelqu'un de normal n'aurait rien dit et aurait gardé ça pour lui, mais pas toi. Ta curiosité était bien trop forte.

« Dis, Maxime. »

Tu pris bien le temps avant de parler, il fallait la mettre en condition pour ce qu'elle allait entendre. Ou du moins, lui faire un peu peur, avec cette petite pause juste après l'avoir interpellée.

« Ils t'ont fait quoi, tes parents ? C'est évident. Tu es traumatisée par les gens... »

Ce n'est qu'après propos que tu réalisas qu'il y avait des chances qu'elle s'enfuit en courant après ce que tu venais de lui dire. Mais dans ce cas, ton analyse se serait révélée exacte. Un traumatisme parental. C'est tout ce que tu avais pu te dire, à voir son apparence, son nom et son comportement. Puis tu l'avais vécu aussi, donc tu avais une idée générale de la chose. Cependant, ta façon de demander ça pouvait laisser penser à certains que tu savais tout de leur passé. Les plus faibles mentalement, ou les personnes peu sûres d'elles, se sentaient souvent oppressées lorsque tu essayais de toucher, ou même que tu frôlais, une corde sensible de leur vie. Ton intrusion dans celle-ci les dérangeaient bien plus que ceux qui avaient de la prestance, qui n'avaient rien à cacher. Mais tu t'amusais beaucoup moins avec eux. Parfois même tu t'y attachais. Et ce n'était pas vraiment ce que tu désirais.

« Mais tu sais, je te ferai rien de mal hein. Je suis juste curieux. Puis je te l'ai dit. Si tu as quelque chose à demander à ce couple, je le ferai pour toi si tu peux pas. »

Sincère ou non, c'était à ton interlocuteur de décider. Tu la regardas encore quelques minutes, remarquant que le fait qu'elle se soit mise en tailleur à son tour montrait bien qu'elle ne voulait pas te parler, avant de jeter un coup d’œil vers le couple. Ils étaient toujours là et semblaient ne rien avoir remarqué. C'est pour ça que tu ne voulais pas de relation durable. Ca pourrait t'abrutir, et c'était loin d'être ce que tu voulais. Quitte à ce qu'on ait des sentiments forts pour toi, autant que ce soit la haine...

Tu changeas de position, étalant tes jambes, les mains posées derrière toi pour t'étirer et regarder le ciel. L'air ne s'était pas rafraîchi depuis que tu avais décidé de sortir, donc il faisait toujours bien trop chaud à ton goût. Tu hésitas un instant à au moins relever tes manches pour te sentir mieux, et aussi pour voir la réaction qu'elle pourrait avoir face à tous tes membres recousus. Mais tu ne le fis pas. Elle n'était pas des privilégiés qui pouvaient savoir ça. Personne ne savait, et pour l'instant, personne ne saurait. À moins de te prendre par surprise, et tu ne laisserais pas ça arriver. Tournant simplement les yeux vers vers Maxime, tu murmuras quelque chose. Peut-être l'avait-elle entendu, peut-être non, mais c'était bien ce que tu voulais, quoi qu'il arrive :

« Je saurai de toutes façons... Je suis quelqu'un de bien informé sur tout le monde... »

Souriez, vous êtes interrogés.

Pour une fois, tu te maudis d'avoir parlé. De manière tellement intense que l'on pouvait même presque voir l'épée de Damoclès que tu lui avais placé au dessus de la tête se retourner contre toi et te frapper de manière à bloquer totalement ta respiration. Ton regard s'était fait plus sombre l'espace d'un instant mais tu te repris. C'était de ta faute en plus. Tu savais, au fond de toi, que tu n'aurais pas du remettre le couple sur le tapis. Tu remarquas que même si ça avait un peu servi d'excuse pour venir, il ne fallait plus les mentionner après. L'objet de ta curiosité, ce n'était pas eux. C'était elle.

Et sainte horreur que tu avais qu'on ne te réponde pas. Ta soif de savoir n'était pas étanchée, au contraire. Tu avais ce besoin irrémédiable de devoir avoir une réponse à ce que tu ignorais, si tu étais certain qu'il y en avait une à donner. Et dans le cas présent, c'était le cas. Si on voulait te mettre facilement et rapidement sur les nerfs, la solution s'imposait comme étant celle-ci : Ne pas répondre à une de tes questions. Que l'on sache quelque chose que tu ne savais pas était tout simplement improbable à tes yeux. Il faut croire qu'être fils de scientifique avait quelques peu déteint sur certaines faces de ta personnalité. Tant que tu ne te retrouvais pas à disséquer tu ne savais quoi toute la journée, c'est que ça allait, tu te disais.

Tes yeux passèrent de Maxime au couple puis à un point invisible face à toi. Même avec toute la bonne volonté dont tu pouvais faire preuve lors de tes bons jours, quelque chose te dérangeait, et comptais bien lui faire savoir.

« Et s'ils te prennent pour une folle à vouloir photographier des inconnus ? Après c'est ton problème, je m'en fiche, c'est juste pour savoir si tu es bien sûre de ce que tu veux... Tant que tu n'oublies pas de répondre à tout ce que je te dis, et non uniquement ce qui t'arrange. »

Tu souriais même si tu ne la regardais toujours pas. Oui tu avais -plus ou moins- clairement dit que tu serais renseigné sur ce qui lui était arrivé quoi qu'il arrive. Mais c'était tellement mieux de faire parler les gens. C'était un petit plaisir un peu sadique que tu voulais t'accorder, surtout à voir la fragilité de la gosse. Enfin, tu disais gosse mais tu savais très bien qu'elle pouvait avoir ton âge, et que si elle avait moins, c'était uniquement de deux ou trois ans maximum. C'était toujours pour te sentir un peu supérieur. Si ça ne pouvait pas être possible en parlant, ça le serait dans tes pensées.

Après avoir baillé un coup, tu te relevas et époussetas tes affaires, ne souhaitant pas réellement que l'herbe veuille de toi comme ami proche, peut-être un peu trop proche d'ailleurs. Tu continuas de regarder un peu l'horizon en plissant les yeux, afin d'éviter que le soleil ne te les brûle. Certaines personnes étaient vraiment étranges. Entre les adolescents en pleine crise qui s'amusaient à taguer un peu tout ce qui leur tombait sous la main et les enfants qui sautaient dans la fontaine sans aucun scrupule... Tous ces êtres dénués d'intelligence réussirent à te blaser un instant.

Mais tu te trouvas rapidement une nouvelle occupation : tu allas devant Maxime et t'accroupis devant elle, posant une main sur l'un de ses genoux, l'air bienveillant. Seulement l'air.

« Ca ne te fera pas d'échappatoire tu sais ? Mais je vais y aller puisque tu sembles le vouloir autant. »

(A) Reculons.

Ton visage avait pris l'expression d'un gamin pas vraiment content lorsqu'elle avait allumé sa cigarette. Bien que tu sois accoutumé à l'odeur de celle-ci, et qu'il t'arrivait même d'en fumer une de temps à autres, la fumée dans les yeux n'était pas vraiment agréable. Ça t'avait piqué, et tu avais laissé tomber ton masque un instant sous le coup de la surprise. Il ne te sembla cependant pas qu'elle l'ait remarqué vu qu'elle évitait de poser les yeux sur toi, ou sinon, elle le dissimulait très bien.

Malgré tout, tu pensais qu'elle garderait un minimum de self-control lorsque tu lui avais parlé, après t'être rapproché d'elle. Tu dus reculer en même temps qu'elle pour éviter la cigarette tombant par terre. Tu pensais que tu aurais été le seul à réagir de cette manière si quelqu'un te faisait remarquer la différence de teint entre tes deux mains par exemple. Ton sourire se perdit, tu te fis plutôt pensif. Tu étais au courant de certaines choses parce que tu avais lu des livres concernant un sujet précis, mais tu ne savais pas les conséquences que ça pouvait avoir. Tu te souvins d'un extrait où une mère voulait une fille à tout prix, mais elle s'était retrouvée avec de faux jumeaux, dont un garçon. Par conséquent, elle refusait de le toucher et il souffrait d'un manque considérable comparé à sa sœur. Un sociologue aurait pu te dire la manière dont ces enfants avaient grandi, mais ce n'était pas quelque chose qui t'intéressait vraiment.

Jusqu'à ce que tu te dises que Maxime avait peut-être eu quelque chose de similaire. Tu n'étais sûr de rien, ce n'était qu'une hypothèse, et tu n'irais pas l'émettre à voix haute vu l'état dans lequel elle se trouvait. Blesser les gens ne te dérangeait pas particulièrement, mais tu connaissais cette réaction que trop bien.

« Je t'ai dit que je te ferai pas de mal, j'ai rien à y gagner. Si je le voulais vraiment, tu penses pas que je choisirais un endroit moins peuplé ? »

Tu soupiras assez bruyamment. Voilà que tu ne savais plus comment aborder le sujet. Te voir en elle t'avait mis mal à l'aise, plus que tu ne l'aurais imaginé. Mais tu avais une curiosité à satisfaire, tes propres problèmes, tu t'en occuperais plus tard.

La stratégie que l'on pourrait qualifier d'agressive, que tu avais adopté, tu l'abandonnas. Tu voyais bien que tu n'arriverais à rien comme ça. Montrant que tu ne lui ferais vraiment rien, tu te réinstallas par terre. Tout au pire, ça te ferait prendre un peu l'air.

« Je suis juste curieux, donc je veux savoir ce qui t'est arrivé. Ça s'arrête là. J'irai parler au couple si tu veux ta photo, je t'ai aussi dit que je le ferai. Tu auras aussi le droit de me demander quelque chose d'indiscret si ça te fait plaisir, même si je ne pense pas que « plaisir » soit le mot adapté. »

Baissant la tête, tu attrapas la cigarette qui était miraculeusement restée allumée au sol. Un peu plus et elle aurait pu mettre le feu. Tu tiras dessus, juste une fois, estimant que tu en avais bien besoin aussi pour une fois. Tu notas dans un coin de ta tête que si cette potentielle négociation marchait, il ne servirait plus à rien d'aller vers elle avec un sourire plus ou moins menaçant. Si un visage neutre fonctionne, alors tu te contenteras de le garder.

Intoxication.

Fail de ma part, j'ai supprimé ce post sans m'en rendre compte. Donc mini résumé de ce dont je me souviens ;



Hayden est surpris et choqué qu'elle décide de « l'affronter » en face à face alors qu'elle aurait pu choisir les solutions de facilité, que lui-même utilise souvent. Il prend la cigarette de Max et tire dessus. Comme convenu, elle lui pose des questions si elle en a envie, et il lui répond comme pour la féliciter de vouloir franchir le mur plutôt que de le contourner. Il lui dit qu'il est un étudiant curieux, ni plus ni moins et qu'il n'a pas d'autres raisons de poser ces questions, bien qu'il cache la grande partie de son ambition ; tout savoir sur tout le monde. Il lui retend le mégot à la fin, sans rien dire de plus.

Take a Breath.

Tu ne bouges pas, tu écoutes ce qu'elle dit. Très court, très concis. Et ça ne te répond qu'à moitié. Son histoire a été rendue publique plusieurs jours ? À quel point la situation était grave pour que ce soit la cas ? Tu as souvenir que ton avocat t'avait dit que ton cas avait été mentionné mais juste en vrac, dans un coin où on ne savait quoi mettre. Tu commences à réfléchir. Ça serait d'autant plus simple à trouver si elle dit la vérité. Mais tu préfères la parole même des gens à ceux des médias. Étrangement, alors que tu ne devrais avoir aucune confiance vis à vis de l'humanité, tu les trouves pourtant plus sincères dans leurs propos. Cette fois c'était le psy qui t'avait dit que tu n'avais pas tort mais qu'il ne fallait pas en abuser non plus. Tu t'en fichais, tu t'en fiches toujours. Ce n'est pas comme s'il pouvait te comprendre, tu lui dis ce qu'il veut bien entendre.

D'un autre côté, même si tu te détestes presque à l'idée de penser ça, tu aimerais qu'elle ait vécu un peu comme toi. Pour qu'enfin quelqu'un comprenne. Pour enfin ne plus avoir honte. Pour enfin vivre normalement. Tu penses que si ça n'avait pas été elle tu aurais été plus direct, plus menaçant, plus violent dans tes propos. C'est peut-être pas plus mal, ça t'impose une limite imaginaire. Tu esquisses un léger sourire. Te ferait-elle office de vrai psychologue sans même s'en rendre compte ?

« À vrai dire, je n'avais p... »

Tu t'interromps en te mordant la langue. Immédiatement. Elle te prend la fin de la cigarette de la main. Tu te sens presque mal. Tu te sens clairement mal. Tu allais vraiment lui dire que tu n'avais pas accès aux journaux avant ta majorité ? Non. Tu ne dois pas. Pas pour l'instant. Tu la connais à peine, tu ne dois pas la mêler à ça. Reprends toi. Un meurtrier n'a pas à se confier. Tu ne dois pas faire confiance.

Tu regardes le mégot qu'elle écrase. Oui, ta volonté est quasiment dans cet état aussi. Tu te demandes comment rattraper ça. Il le faut. Pour toi. Ta peau naturellement pâle, devenue livide, recommence à se colorer petit à petit. C'est ça. Continue à sourire, ce faux sourire, qui te sert à mentir, à manipuler, et surtout à cacher tes faiblesses. Tu n'en as jamais eu autant besoin que dans l'immédiat, alors sers-t'en, souris, et réponds lui, comme si de rien n'était, comme si tout avait toujours été comme ça.

« Si tu tiens à ce que je te le dise, je te le dirai. Je m'appelle Hayden. Toujours aussi ravi de te rencontrer. »

Calme ton souffle, ralentis le débit de tes paroles, tu es stressé et ça se sent. Pourtant, tu ne crains rien. Le monde t'appartiendra, donc tu ne crains rien. Et tu n'as rien à perdre non ? Alors continue juste de sourire et tout ira bien.

Take it Deep.

Alors que la demoiselle se lève, tu te reprends petit à petit. Tu la regardes faire ses pas. Elle te dit honnêtement ne pas être ravie. Ça te fait à nouveau sourire, sincèrement cette fois. Elle n'en a peut-être pas le sentiment, mais tu as l'impression qu'elle se détend au fur et à mesure. Ça te fait plaisir au fond. C'est plus agréable de parler ainsi. Ça te plairait presque. Tu t'allonges pendant qu'elle marche, les bras derrière la tête. C'est paisible. Elle ne part pas, tu ne te sens pas seul pour une fois. Tu aimerais arrêter et lui faire confiance, mais il ne le faut pas.

Ce que tu ne comprends absolument pas, et ce dont tu n'as aucun mot pour ça, c'est ce qu'elle se met à faire. Des pas de danse. Tu ne saurais dire ce que c'est. Mais elle s'est mise à danser. Tu ne l'arrêtes pas même si tu meurs d'envie de lui poser mille et une questions sur le pourquoi du comment elle fait ça.  C'est très tentant. Mais tu ne fais rien. Elle se réinstalle, tu te redresses pour être à sa hauteur. Mais ton visage se décompose, bien que tu gardes ton sourire.

« C'est quoi ton histoire. » qu'elle avait dit. Elle a deviné, ton sourire se perd à cette constatation.

Que dire ? Comment réagir ? Tu ressembles actuellement à un fantôme, gamin. Tu agrippes inconsciemment ta main gauche avec ta main droite. Tu dois te protéger. Tu ne dois rien dire. Personne ne doit savoir. Pour leur bien. Pour ton bien. Rester dans l'ignorance de ton vécu est la meilleure chose à faire. Tu baisses les yeux, tu tentes de te calmer. Tu la regardes à nouveau. Tu le savais. Elle te ressemble. Beaucoup trop sûrement.

Tant de choses se passent dans ton esprit. Mais vu qu'elle ne fuit pas, tu décides de ne pas fuir non plus. Tu ne peux pas te le permettre alors qu'elle t'affronte. Tu serres un peu plus ta main, prêt à te blesser pour ne pas péter un plomb.

« Si je te disais que je sors d'un asile psychiatrique ? Pour mégalomanie. »

C'est sûrement l'un des plus gros mensonges que tu as inventé de toute ta vie. Qui dirait ça si simplement ? Personne ne l'ayant vécu vraiment. Le temps passe, tu te calmes, tu écoutes le bruit de l'herbe bercée par la brise qui s'est montrée.

« Mais je ne sais toujours rien sur toi. Je ne me fis pas aux médias. »

Encore quelque chose de faux. Tu n'es pas du genre un hackeur, informateur, ou tout ce que tu veux ? Tu as besoin d'internet, et ce n'est pas vraiment plus sûr que les journaux... Mais elle ne le sait pas. Tu ne mettras certainement pas un climat de confiance entre vous en ayant de genre de comportement. Cependant il le faut. Il le faut.

Petit, petit ours brun.

Sa réponse n'est pas vraiment ce que tu attendais. Peu importe. Tu as eu le temps de te calmer, et maintenant, tu n'es plus aussi stressé qu'il y a quelques minutes. Par contre, le nom de sa ville... Tu n'es pas doué en géographie. Puis tu es un anglais ayant toujours habité à Paris. Donc tu n'y as jamais vraiment prêté attention. Tu réfléchis et tentes de te souvenir mentalement de la carte du pays. Bordeaux c'est une couleur aussi. Rouge. Comme beaucoup de choses. Tu aimes bien le nom de cet endroit. Peut-être songeras-tu à y faire un tour un jour ? Mais dans un sens, cette réponse te convient. Si elle ne dit rien, tu sauras où chercher.

Perdu dans tes pensées, tu ne fais plus attention à ce qu'il y a autour de toi. Même à Maxime. Elle aurait pu s'en aller, tu ne l'aurais pas vu faire. Cependant, quelque chose te dit qu'elle n'est pas partie. Au moment où tu l'entends pousser un cri, tu sors de ta bulle et relève la tête. Tu es très surpris de constater la situation. La petite, accrochée à toi, paniquée, face à un grand ours au sourire plus que douteux. Ah, un pedobear. Il a du la surprendre. Cet énergumène ne te fait pas peur pour autant non, il te fait penser à autre chose... De bien plus vital.

« J'ai faim. »

En effet, tu n'as pas spécialement songé à manger depuis que tu es avec elle. Et ton cerveau a fait le lien de ours = animal = viande = manger, en une fraction de secondes. L'air apeurée de ton interlocutrice te fait comprendre que c'est bel et bien le moment d'y aller. Tu regardes le nounours géant en clignant des yeux.

« Tu sais, tu viens voir deux jeunes adultes de sexe opposés qui étaient en train de discuter. Qui sait de quoi nous étions en train de parler ? Et tu viens interrompre ça. C'est pas très cool de ta part ça. »

Une fois ta phrase terminée, tu te redresses et tu portes la demoiselle dans tes bras, sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit. Dans son état actuel, tu es certainement bien plus apte à réagir rapidement qu'elle. Donc tu t'en vas avec elle, t'éloignant de cette peluche malsaine. Tu t'amuses un peu de ce qu'il peut se passer dans son esprit actuellement. Elle ne doit pas comprendre ce qu'il se passe. Et c'est normal. Mais le pedobear lui a fait peur. Et tu as faim.

« Ne proteste pas pour l'instant, il me semble que tu as été bien plus effrayée par lui que par moi, alors qu'est-ce qui est le mieux ? Et je veux manger. Alors on va aller manger quelque part. »

Après que tu estimes t'être suffisamment éloigné de ce qui a provoqué cette agitation, tu la reposes au sol. Ce n'est pas comme si tu avais l'intention de la kidnapper ou quoi que ce soit d'autre. Et puis tu te dois de réfléchir. À l'endroit où déguster un bon repas.

Itadakimasu !

Enfin à l'écart de ce truc malfaisant, quoi que, c'est à se demander lequel est le plus malfaisant entre toi et lui, tu soupires un peu. L'air des jardins était bien meilleur que ceux de la ville même. Tu regardes aux alentours... Rien de particulier. Rien qui pourrait déranger. Déranger ? Ah oui, ton futur repas. Tellement occupé à réfléchir pour te situer dans la ville et pour trouver un endroit où aller, tu ne remarques pas la petite blanche se tenir à toi le temps qu'elle se remette de ses émotions.

Cependant, tu la remarques prendre des photos. Tu observes l'endroit vers où l'objectif est dirigé. Des monuments ? Tu ne comprends pas vraiment l'intérêt d'en prendre en photo. Surtout si elle habite ici, enfin ça, tu le supposes juste. Ne voulait-elle pas photographier un couple tout à l'heure ? Ça n'a pourtant rien à voir... Sceptique, tu t'embarques dans une nouvelle réflexion. Si elle prenait des photos, peut-être les utilisait-elle comme modèle pour ensuite les repeindre de manière fantastique en employant des techniques encore méconnues ? Dans ce cas, elle est une grande artiste. Tu notes cette possibilité dans un coin de ta tête.

Et tu l'entends, qui murmure doucement, un simple mot, auquel tu ne t'attendais pas. Tu pensais qu'elle t'insulterait, te frapperait et tu ne sais quelle autre torture féminine, après l'avoir embarquée de force, comme ça. C'est pourtant pire qu'une approche comme celle que tu as fait ! Vraiment, les femmes sont compliquées.

« J'espère que tu aimes la nourriture asiatique. »

Cette fois, tu lui prends la main, pour la guider. Il ne manquerait plus qu'elle te laisse après t'avoir demandé ce que vous alliez mangé ! Enfin... Tu l'as pris comme ça. Si ça se trouve, elle demandait pas ça mais un autre truc incompréhensible de femme. Tes pensées sont actuellement un peu misogynes, bien que tu ne les méprises pas. Par contre, il y a des trucs que tu aimes, et d'autres moins... Et tu n'aimes pas ne pas comprendre quelque chose. Plutôt que de tout mettre sur le dos de Maxime, autant regrouper tout le monde dans le même sac ! Comme ça, pas de discrimination. Si, il y en a... mais tu te comprends.

« Si t'as déjà mangé tu pourras prendre léger, ou même ne rien prendre si tu veux. C'est moi qui paye de toute façon, et tu n'as pas le choix non plus là dessus. »

Ne deviendrais-tu pas macho à penser comme ça et à imposer tes choix ? Ça part souvent d'une bonne intention, que tu ne diras jamais d'ailleurs, cependant, ça peut se ressentir ainsi. Tu es habitué à être détesté de toute façon, alors tu ne t'en fais pas. Tu ne comprends pas les femmes mais personne ne te comprend, selon toi. Sauf peut-être elle.

Ainsi, tu arrives avec la petite devant un restaurant japonais. Le genre de buffet où tu te sers de manière illimitée pour un forfait décidé à l'avance. Tu en baves d'avance. Des takoyaki, en masse. Tu risques de tous les prendre, tu as faim après tout. Mais... Tu te retiens un peu.

« Je te laisse voir si quelque chose t'attire. »

Poulpe

Tu fonces, plus rapide que la lumière, vers ton âme sœur de toujours ; les takoyaki. Ça fait tellement longtemps que tu en as pas mangé que tu as l'impression que ça fait plusieurs décennies (ce qui est logiquement impossible puisque tu as vécu deux décennies et un an, donc il est peu probable, qu'à ton premier anniversaire, on te goinfre de takoyaki). Bref, tu t'es donc dirigé vers ces fameuses boulettes que tu aimes tant et tu en as pris plusieurs barquettes. Parce que c'est trop bon. Bien sûr, tu ne t'arrêtes pas là. Tout ça, c'est de la simple et pure gourmandise, donc tu prends plus classique à côté. Un bol de ramens, des dangos, et ça devrait être amplement suffisant avec ton « petit plaisir personnel », ou triple P pour les intimes.

Une fois installés, tu dégustes lentement ta première barquette. Tu as ce petit sourire d'enfant bien content à qui on donne un carré de Milka tendre au lait. Oui, encore de la nourriture. Décidément, tu ne penses qu'à ça, jeune Hayden. Mais tu n'oublies pas que tu n'es pas venu seul. Alors tu regardes Maxime, jusqu'à ce qu'elle commette un crime irréparable. Planter une baguette dans un takoyaki. Ce qui voudrait dire.. Qu'elle ne sait pas utiliser les baguettes... Bon ça arrive à tout le monde, mais il y a des fourchettes à disposition que tu penses. Tu la regardes, tu l'observes, alors que tu mâches tranquillement. Et la réaction qu'elle a est... Carrément drôle

Il t'est impossible de ne pas rire devant cette scène. Tu remarques qu'elle a pris comme toi, tout comme toi, et tu comprends petit à petit la situation. Tu ne t'arrêtes pas pour autant de rire. Il te faut bien cinq bonnes minutes pour que tu te calmes et que tu te reprennes. Tu lui souris, toujours amusé.

« T'as jamais mangé japonais avant non ? Je pense pas que tu aurais pris comme moi sinon... N'importe qui n'aurait plus faim avec la moitié de ce que j'ai. »

Et encore, en disant moitié, tu es bien gentil. Un quart suffirait à caler la plupart des êtes vivants. Mais ceux-ci ne comprennent pas le lien fort qui t'unissent aux takoyaki, alors tu ne leur prêtes pas attention. Ce n'est pas comme si tu prêtais attention à quelqu'un en général... Sauf maintenant. Tu l'aimais bien la petite finalement, plus qu'une source de curiosité, bien que tu le sois toujours et que tu n'oublies pas ce que tu veux savoir.

Mais pour l'instant tu lui expliques, que les takoyaki c'est du poulpe, que les ramens, elle peut, normalement, y aller et les manger et que les dangos... Ça dépend des gens, donc elle aura juste à goûter.

« Puis y'a d'autres trucs... » tu pars quelques instants. « Si tu aimes pas les dangos, tiens. » et tu lui donnes une boule coco. Tu n'apprécies pas vraiment ça mais tu sais que ça fait fureur comme dessert donc... Elle aimera sûrement.

Coco

Tu restes sceptique. Comment on peut ne pas aimer cette merveille de takoyaki ? Vraiment, tu ne comprends pas. Mais tu la laisses faire. La boule coco a l'air de lui plaire plus que le poisson. C'est pas grave. Ça t'en fera plus pour toi, et tu souris à cette idée. Tu lèves les yeux et vois Maxime partir. Que fait-elle ? Elle se sert, de ces petits trucs blancs que tu n'apprécies pas réellement. Au moins elle a trouvé de quoi manger. C'est bien. Tu l'observes encore, comme pour savoir ce à quoi elle pensait. Elle t'intrigue toujours autant mais il vaut mieux instaurer un climat de confiance avant tout. Tu penses que c'est comme ça que tu arriveras à tes fins. Lentement, mais sûrement. Pas à pas. Puis ton poulpe t'occupe bien trop. Chaque chose en son temps. Les takoyaki sont ta priorité, quoi qu'il arrive. Comme les tartes au citron.

Puis tu l'entends. Tu es surpris. Très surpris. Tu ne pensais pas qu'elle parlerait gaspillage. Quelqu'un qui te détesterait ne penserait pas à ça. Donc elle ne te déteste pas. Cette pensée te fait avoir un autre sourire, un peu plus vague, mais plutôt heureux. Bizarre d'ailleurs, tu n'es pas du genre à t'extasier de la moindre petite chose ni à t'émoustiller devant chaque truc que tu réalises. Tu mets ça sur le compte des takoyaki qui te mettent de très bonne humeur. Oui, c'est sûrement ça. Tu les aimes, mais ils sont en tort. Pour la peine, tu continues de les manger. Quelques boulettes avalées plus tard, tu remarques que tu ne lui as pas répondu. Malgré ton sourire, elle risque de penser que c'est grave ou quelque chose du genre.

Alors que ça ne l'est pas du tout.

« C'est pas comme si je manquais d'argent tu sais, et je les prendrai à emporter chez moi, tu gaspilles rien. Mange ce qui te plaît. »

Et tu te dis qu'elle ne va quand même pas se gaver de coco, si ? (jesuisdésoléed'introduirecettenotemaisj'aipenséànotreCocodoncj'aiunfourirealorsjelefaispartager) Tu te demandes ce qu'elle pourrait manger d'autre. Il y a du choix donc ce n'est pas comme si elle était limitée à ça. Tu termines ta troisième barquette en réfléchissant à ça. On va t'accuser de mal nourrir les gens que tu emmènes au restaurant si ça se trouve ! Que tu les forces à manger cette coco que tu n'aimes pas. C'est pas vrai en plus. Tu fais la moue. Tu réfléchis beaucoup trop pour des trucs totalement illogiques auxquels personne ne penserait.

Mais tu restes d'avis qu'elle ne devrait pas manger que ça. Donc tu reprends la parole.

« Mais si tu veux autre chose tu peux. Y'a pas que ce que j'ai pris. T'as des pâtes, de la viande. Si y'a un truc que tu aimes et que tu voudrais dis le, je te dis s'il y a. »

Voilà que tu commences à rendre des services. Gratuitement en plus. Cette petite Maxime est en train de t'adoucir et de te transformer en guimauve apparemment. Ce que tu n'es pas. Ce que tu ne veux pas être. L'air de rien, tu entames tes ramens. Il ne manquerait plus qu'ils soient froids...