Nox ouvre péniblement les yeux. Il fait noir, l'endroit est exigu, étouffant, ce n'est certainement pas sa chambre. Bien qu'il n'ait aucun souvenir d'avant ce réveil, celui-ci lui paraissait au moins un tant soit peu familier. Il ne comprend pas, et ce sentiment l'agace au plus haut point. Va-t-il se réveiller chaque jour dans un endroit différent ? Et il est prêt à parier que personne, lui excepté, n'aura l'air préoccupé. Il y avait bien ces trois personnes.. mais à partir de l'instant où la fillette lui a demandé de la suivre, c'est le trou noir total. Comme s'il s'était évanoui. Combien de temps s'est-il passé depuis cet événement ? Nox essaie de s'asseoir un peu plus confortablement, rajustant ses lunettes d'un geste du doigt. A en juger par l'état amorphe de ses muscles, cela fait au moins une journée, peut-être plus.
S'il n'avait pas hésité à sortir se promener en pleine rue après son premier réveil, son instinct lui souffle cependant cette fois-ci d'être plus prudent. Des bruits lui parviennent, mais ils sont lointains, étouffés par une distance rassurante. Nox essaie de se redresser mais son dos ankylosé se rappelle douloureusement à son bon souvenir. Sèchement, il donne un coup de pied dans la paroi, celle-ci cédant facilement. Une porte. Un placard. Il se trouvait dans un placard. Il aurait probablement lâché une flopée d'injures pendant un bon quart d'heure si un bruit de choc, puis un gémissement plaintif n'avaient pas retenti. Méfiant, il jette un coup d'oeil par l'interstice de la porte. Une jeune fille se masse le crâne, assise par terre dans un long couloir tapissé de rouge ainsi que de divers ornements. Aucun doute, il est dans le palais Heart. Génial. La demoiselle n'a pas l'air méchante, bien que sa discrétion soit pour le moins surprenante, mais la couleur de ses cheveux rappelle de manière évidente la décoration environnante. Le rouge. Typique de la famille royale. Et même si cette fille est une quelconque domestique, il serait très malvenu qu'on l'interroge sur la raison de sa présence ici. Néanmoins, il ne peut pas non plus retourner se cacher. Il referme calmement la porte du placard et toise de sa petite hauteur la jeune femme, la jaugeant rapidement d'un œil critique.

- Pardonnez ma maladresse, madame.

Ce souci des convenances n'est pas dans ses habitudes, mais il se pourrait très bien que cette dame soit un personnage important et décide, suite à l'incident, de le faire écarteler sur le champ. Il lui tend donc la main, affichant un léger sourire en coin, son maximum en la matière. Dans le même mouvement, il jette un regard circulaire autour de lui. Le couloir est vide, mais les fenêtres donnent sur une cour où s'entrainent plusieurs hommes. Le quartier militaire.. De mieux en mieux. Nox lâche un profond soupir en reportant son attention sur la rouquine. Il va falloir qu'il se sorte de là en vitesse.

 

 

 

Nox dévisage la demoiselle tandis que celle-ci se relève. Elle a les yeux brillants, on dirait presque qu'elle va se mettre à pleurer.. C'est bien la dernière chose dont Nox ait envie. Il relâche sa main. Elle a beau faire une trentaine de centimètres de plus que lui, ses yeux le considèrent avec une crainte qu'il ne s'explique pas. Cela a au moins le mérite de lui faire deviner qu'elle n'est pas un soldat du palais Heart, et donc qu'elle ne lui est d'aucune utilité. Il allait se détourner sans plus de formalités et prendre le couloir qui s'éloigne de la cour d'entraînement, éprouvant presque une inhabituelle culpabilité à laisser la jeune fille là, lorsqu'une nouvelle voix l'interrompt, posant la question typique des gens qui savent où ils sont et qui rencontrent d'autres gens qui n'ont rien à faire là. Nox fait la grimace avant de se retourner vers le nouveau venu. Son attitude le laisse perplexe. Si ses cheveux et ses vêtements confirment qu'il est bien militaire, son ton défaillant et sa taille peu impressionnante en font douter. Mais quoi qu'il en soit, Nox ne pourrait pas le maîtriser, quand bien même il pèserait moins de 20 kilos. Il est si frêle qu'on a l'impression qu'un coup de vent l'emporterait sans difficultés. Il remonte ses lunettes du doigt, cherchant une excuse plausible quand la rouquine se laisse choir au sol, éclatant en sanglots. Excédé, Nox lève les yeux au ciel. Pas sûr que cette stratégie soit des plus efficaces dans un camp militaire. Sa naïve et puérile honnêteté lui apprend tout de même qu'elle s'est également réveillée ici sans raisons. Tout ça ne lui dit rien qui vaille, mais il s'en préoccupera plus tard. Il faut d'abord qu'il se sorte de là. Si le soldat vient à comprendre qu'ils sont tous deux amnésiques et donc.. anormaux, ils ne sont effectivement pas prêts de partir.
Il écarquille innocemment les yeux en se rapprochant de la jeune fille.

- Désolé monsieur ! Euh.. avec ma copine on voulait jouer à cache-cache et on s'est perdus !

Bon sang qu'est-ce qu'il a horreur de faire ça.. Mais qui pourrait résister à une jeune fille en larmes et un petit garçon perdu, hum ?

 

 

Tout se passe alors beaucoup trop vite. Malgré son air tout bonnement fragile et innocent, le soldat n'a pas l'air de croire Nox, encore moins d'être attendri. Seuls les pleurs de sa compagnonne d'infortune semblent le faire douter. Nox, estimant préférable de laisser donc la jeune femme donner mauvaise conscience au soldat, garde le silence tout en cherchant frénétiquement une solution.
Ce qu'il lui faudrait, c'est une bonne diversion, quelque chose qui lui permette de prendre les jambes à son cou. Il n'aurait alors plus qu'à fuir en direction de la cour et se glisser hors du quartier militaire. Sa petite taille aurait joué en sa faveur, il serait passé inaperçu au milieu de tous, enfin presque tous, ces grands gaillards.
Il allait soupirer mais un bruit attire soudainement son attention. Un bruit de porte ? Mais il n'entend plus rien à présent... Serait-ce son imagination qui lui joue des tours, lui qui d'ordinaire est si alerte à ce qui l'entoure ? Si, cette fois le doute n'est plus permis. Nox a à peine le temps de son confirmer à lui-même que quelqu'un court vers eux et qu'il faudrait peut-être s'en préoccuper quand une fille - est-ce bien une fille ? - surgit derrière le rouquin et le renverse d'un coup de pied avant de rouler pour se redresser devant eux. Les yeux de Nox tombe aussitôt sur sa queue blanche qui fouette les airs dans un geste menaçant, puis sur la paire d'oreilles de la même couleur dressée sur la tête de la demoiselle. Rien n'est, pour ainsi dire, inhabituel ici, mais les femmes-renardes ne courent tout de même pas les rues et Nox ne peut s'empêcher de la dévisager d'un air curieux, perdant de précieuses secondes.
C'est pourtant la diversion qu'il espérait, et la rousse à ses côtés semble également l'avoir compris puisqu'elle se dresse vivement sur ses pieds, son corps se tendant, prêt à bondir vers le couloir. Mais le soldat s'est déjà relevé et ordonne d'une voix forte à tout le monde de cesser de bouger. Il avance et la jeune fille, qui s'était un peu calmée, se remet à pleurer avant de geindre entre deux hoquets. Nox glisse un regard désapprobateur sur le rouquin. Même lui- n'a jamais autant faire pleurer une enfant.
Il a toujours très envie de détaler, mais il semble que ce ne soit pas la meilleure des perspectives, la situation ne paraît pas vraiment s'y prêter. Et puis la renarde se dresse toujours entre eux, ce qui est plutôt un point positif. Parce qu'entre la pleurnicharde et ses trente kilos tout mouillé, ils n'iront pas bien loin tous seuls. Le soldat avance d'un nouveau pas et les pleurs de la rouquine redoublent d'intensité, priant le brun de la laisser rentrer chez elle. Ce serait plutôt une bonne chose qu'il cède, Nox en profiterait pour regagner son quartier puis il laisserait la fille se débrouiller. De son côté, il essaierait peut-être de retrouver les gens avec qui il avait commencé à discuter la dernière fois. Bien que la demoiselle soit dans le même cas, Nox doute qu'elle soit disposée à enquêter sur ces phénomènes étranges. Dommage, parce qu'il commence à avoir assez de cette amnésie et de ces incertitudes. Il a besoin de savoir où il va et de maîtriser sa vie, or c'est bien la dernière chose qu'il fait en ce moment.
Son regard passe de la rouquine au soldat, du soldat à la renarde puis revient sur le soldat. Il reste calme et l'observe posément.
Personne ne bouge, alors que va décider monsieur ?