Une vaste forêt s’étend à perte de vue sous le regard de la jeune fille. Les arbres démesurés semblent vouloir taquiner les nuages du bout de leurs branches touffues. Pas à pas, elle avance doucement vers cette étendue. Là-bas, au plus profond, quelqu’un l’appelle. A son passage, les champignons abaissent leurs chapeaux, les racines s’enfoncent plus profondément dans le sol, les oiseaux entament un long silence. Que se passe-t-il ? Quel danger l’attend donc ? Et pourquoi ressent-elle cette envie irrépressible d’avancer sans cesse, alors qu’une ombre angoissante se distingue entre les pins ? Silencieuse et menaçante, la masse noire se rapproche. Si vite qu’elle est là, face à elle, gigantesque et assoiffée de sang. Et alors que …

* Allez Malice, il n’est plus l’heure de rêvasser * semblait vouloir lui dire Dinah, sautant vivement sur les genoux de sa charmante maîtresse. Le sourire aux lèvres et la tête encore dans de duveteux nuages, la jeune fille gratouillait le ventre dodu de la petite boule de poils roux. D’un côté, elle n’avait pas tort. Depuis combien de temps était-elle là, assise contre le plus bel arbre de son beau jardin ? Une heure ? Deux heures peut-être ...

Un grondement sourd monta jusqu’aux oreilles de Malice. Les yeux écarquillés, elle porta rapidement les mains à son ventre et un petit rire se fit entendre : « Ouh j’ai faim ! Oh oui oui oui, j’ai faim ! ». D’un bond, la jeune fille se leva pour s’engouffrer dans sa maison, monter dans sa chambre et fourrer dans sa besace tout ce qui lui tombait sous la main. Oui, tout. Même ce porte-clef nounours qui ne ressemble plus à rien depuis trop longtemps. Enfin, elle dévala les marches 4 à 4 et enfourcha son vélo. « A tout à l’heure Dinah » lanca-t-elle avant de filer comme une flèche.

Pédalant comme une folle sur un vélo un peu trop grand pour elle, Malice arriva vite au métro qui allait l’emmener au cœur de Paris. Elle n’avait rencontré quasiment personne sur le chemin mais dans ce train souterrain, une foule de monde se bousculait pour entrer avant le son fatidique qui sonnait votre retard. Baissant les yeux pour ne croiser le regard de personne, elle se faufila rapidement dans le ventre du métro.

Il ne lui fallut que quelques minutes pour arriver à son arrêt où, à quelques pas, se trouvait une immense boulangerie qui offrait des pâtisseries de toutes les couleurs et de tous les goûts. Et aussi de tous les prix. Deux achetées = une gratuite ? Il n’en fallait pas plus à la jolie blonde pour en prendre 3 ! Allez, un éclair rose, un blanc et un vert. Comment ça les goûts ? Prrrt, elle n’en savait rien et cela importait peu. *C’est sucré, donc c’est bon !* disait-elle à chaque fois. Hop, un petit paquet et la voilà repartie dans le sens inverse.

Métro, puis vélo. Arrivée en Province, elle décida de ne pas rentrer directement chez elle mais de faire un détour vers le lac où elle avait l’habitude d’aller. Elle laissa son vélo tomber et alla s’assoir tout prêt du bord. Une fois sa première pâtisserie avalé tout rond, elle s’allongea dans les l’herbe, son visage caressé légèrement par la douce brise. Tout en se reposant, elle s’amusa à chercher des animaux dessinés par les nuages. Oh un lapin ! Et là, un dragon ! Oh, et là un …. Ha bah non, un nuage.

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La petite brise rafraîchissante caressait le pâle visage de Malice. Elle finit par s’asseoir. Rester allongée ne lui faisait que trop mal aux yeux à cause de l’éblouissante lumière du soleil. La surface ondulée du lac reflétait les arbres alentours et lui conférait un air hypnotique. Elle se mit à le fixer, longuement, sans se rendre compte qu’une autre jeune fille venait d’arriver.

Près d’elle, un canard et une dizaine de canetons se suivaient à la file pour se faufiler jusqu’à l’eau, dandinant leur arrière train sur un rythme dont eux seuls avaient le secret. Malice adorait les animaux. En y repensant, elle avait entendu parler d’organismes qui cherchaient des bénévoles pour venir en aide aux chiens et chats abandonnés. Peut-être pourrait-elle s’engager dans ce genre d’association ? D’un côté, il fallait bien réfléchir car se connaissant, elle serait capable de tous les ramener chez elle pour leur offrir une meilleure vie. Quoique Dinah ne serait certainement pas d’accord avec ça … Donc à méditer !

« Bonjour … C’est ma place. » dit alors une voix, tirant Malice de ses songes.

Elle leva les yeux vers l’inconnue qu’elle n’avait pas entendue arriver. Incrédule, Malice ne comprenait pas le sens de cette phrase. Sa place ? Mais elle était assise dans l’herbe ! En quoi cet endroit même où elle avait posé ses fesses pouvait être la place de cette fille ? Ces nombreuses petites questions se bousculaient dans sa tête mais sa timidité l’empêcherait de toute façon de les poser réellement. Il valait donc mieux acquiescer sans faire d’histoires.

Après un très léger sourire et des salutations quasi inaudibles, la jeune fille blonde rassembla ses petites affaires et se leva nonchalamment. Debout, elle cru apercevoir ce qui ressemblait à un sac caché par de hautes herbes touffues. Peut-être était-ce la raison pour laquelle l’étrangère affirmait que c’était sa place. Malice ne chercha pas à en savoir et fit quelques mètres sur la gauche pour se rasseoir. Elle ramena ses genoux sur sa poitrine. Avec sa main droite, elle tenait ses jambes serrées tandis que sa main gauche arrachait frénétiquement l’herbe autour d’elle.

Ce n’était pas la première fois que la vie parisienne la surprenait sur de nombreux points mais c’était bien la première fois qu’on lui disait qu’un carré d’herbe verte était une place réservée …

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