gone to find a place for us to hide  ;

Il pleut. C'est beau, la pluie. Pourtant les gens cours avec leurs parapluies, rentrant dans leurs foyers en espérant s'abriter auprès du feu de la cheminée. Il pleut. Il pleut et Alice est sous la pluie. Elle est là, au bord de la Seine, regardant l'eau s'écraser contre le courant du fleuve. Il pleut. C'est beau la pluie. Alice regarde, Alice s'ennuie, Alice regarde, Alice s'assit. Alice est là au bord de l'eau, les cheveux collés contre sa peau blafarde parce que madame n'est qu'en t-shirt. Alice sera malade, mais ce n'est pas grave. Alice est grande, elle saura se débrouiller. Alice marque des choses, dans son petit carnet, mais bien vite la pluie se corse et les gouttes emplissent la page qu'elle arrache pour recommencer. Alice est seule au bord de l'eau, Alice regarde et semble au loin, emportée par des souvenirs que personne ne connaît. Alice n'émet pas un son, pas un bruit ni mouvement. Alice est statue. Pourquoi ? Dans ses oreilles, à la place du plic ploc des gouttes sur le pavé, Alice entend des rires désabusés. Moqueries, méchancetés, petite Alice ne comprenait pas, petite Alice pleurait. Devant les yeux de la grande, la scène est là : une petite enfant à la chevelure de suie, entourée de gamins, de bambins, un grand sourire sur leurs lèvres qui prolifèrent tant d'injustices et de monstruosités. Petite Alice n'avait pas de Papa, petite Alice ne comprenait pas. Grande Alice est là, la regarde, aimerait l'emmener loin de tout ça, mais Alice est Alice : Alice n'a pas pu fuir, ce jour là. Comme les autres. Alice a toujours subit sans rien dire, juste en versant des larmes. N'était-ce pas ce qui était lâche, au fond ? Elle n'avait rien affronté du tout, elle n'avait pas non plus cherché à fuir : elle avait subit. Elle avait toujours tout subit, s'était prit le choc dans la face sans broncher pour faire ensuite mine d'avancer. Mais les pieds d'Alice, de la petite comme de la grande, traînent des boulets. Cette chose lourde et pesante, celle que l'on nomme « passé ». Et c'est cette chose qui fait pleurer les gens, qui les fait sauter, sourire, mourir, tuer.

Une goutte sur le nez, Alice semble se réveiller. Alice n'aime pas se souvenir. Alice n'aime pas avoir de souvenir. Alice aimerait avoir la peur de ne pas savoir. Ironique de la part de celle qui pose toujours des questions, certes, mais Alice n'a pour le moment pas peur. Alice, c'est juste une gamine. C'est la petite fille, là, assise sur le bord de la Seine qui balance ses pieds dans le vide, le regard vers le ciel qui pleure en lisant ses souvenirs. Alice ne pense à rien. Alice se dit seulement que le ciel est triste. Pourquoi pleure-t-il ? Alice ne pleure jamais, ou plutôt ne pleure plus. Alice déteste pleurer, n'en voit pas l'utiliser. Alice n'est pas expressive. Alice, elle, se contente de se poser des questions. Pourquoi personne n'est dans la rue ? Pourquoi le monde s'est tue ? Pourquoi laisser place au silence pour écouter la musique procurée par la pluie ? Alice aime la pluie. Il pleut. C'est beau. Paris pleure. Pourquoi Paris est-elle triste ? Alice voudrait réconforter la ville, mais l'inverse n'est pas valable. Personne ne veut réconforter Alice. Alice est seule. Alice pleure. A l'intérieur. Alice pleure sans larmes. Alice pleure de la plus triste des manières : en silence, sans personne pour écouter des plaintes non-justifiées, ses caprices égoïstes qu'elle n'a jamais prononcées et qui lui brûlent la gorge à force de s'emmêler en boule pour bloquer tout accès. Alice pleure. Paris est triste. Il pleut. C'est beau.


Encore un autre jour monotone dans sa vie.

be together but alone  ;

C'est une voix qui l'interpelle, la réveille de ses songes. C'est une petite voix fluette, timide, mais surtout familière qui vient danser dans ses oreilles. Maxime. Jamais elle n'avait entendue la voix de Maxime, il lui semblait. Pareillement, jamais l'étudiante n'avait entendue la voix d'Alice. Alice ne parle jamais, c'est connu. Parce qu'Alice a dit des choses qu'elle n'aurait pas dû dire, avant alors maintenant Alice se tait. Et quand Alice s'est tut, Maman s'est tuée. Ce fut l'une des rares fois où Alice a pleuré. Mais Alice ne veut pas y repenser, alors elle regarde à côté d'elle l'adolescente aux cheveux de neige. Alice a les yeux tristes, seuls. Alice a des gouttes de pluie sur le visage. Alice donne l'impression de pleurer. Pourtant, Alice ne pleure pas. Alice hoche la tête. Alice aime la pluie. C'est beau, la pluie. C'est triste, seul, mélancolique mais tellement beau et libre. Petite Alice aimait bien courir sous la pluie en riant au bord de la mer quand elle était encore insouciante, ça lui permettait d'oublier, l'espace d'un instant, les moments de douleur et de tristesse avant de revenir à la réalité. Mais ce n'était pas grave, à cette époque Alice avait des bras où se réfugier, Alice avait une Maman pour la cajoler. Et maintenant Alice est seule.

Alice ne peut pas répondre à Maxime, parce qu'elle voit bien que son carnet est trempé. Alors elle le range, contre sa poitrine, posant son menton sur ses genoux. Depuis combien de temps au juste, Alice n'a pas parlé ? Ça doit bien faire des années. Alice ne se souvient plus vraiment comment on fait. Est-ce que ça fait mal, si elle essaie ? Elle n'arrive plus à s'en souvenir. Alice ne parlera pas. Non, pas aujourd'hui, elle n'a pas envie, Alice, de parler, parce que ça la fait se souvenir. Alice a une voix qui ressemble beaucoup à celle de sa Maman, alors non. Alors tu saisis doucement la main de Maxime. Ça lui fait bizarre, à Alice, de toucher quelqu'un. Ça fait longtemps qu'elle n'a pas eu de contact, Alice. Délicatement, elle pose son doigt sur la paume de sa main pour tracer des lettres, plutôt que parler.

▬ Tu es trempée. Tu vas attraper froid Maxime.

for you i found a cell on the top floor of a prison  ;

Elle est gentille, Maxime, avec sa petite voix fluette. Elle est douce, Maxime, à s'inquiéter pour Alice. Ça la surprend, la Alice, elle n'aime pas ça, elle n'aime pas qu'on s'inquiète pour elle. La dernière fois qu'on s'est inquiété, la personne est partie, Alice a pleuré. Alors Alice ne veut plus qu'on s'inquiète. C'est idiot, de s'inquiéter des autres avant soi-même. Alice fait pourtant pareil, même si elle est égoïste, Alice. Mais il faut dire qu'Alice a toujours été étrange, c'est ce qu'on lui a dit, alors elle s'est mise à le croire, elle aussi. Il est beau, le sourire de Maxime. Il est doux, gentil, un peu comme une éclaircie dans la pluie de Paris. Alice aime ce sourire. Elle aimerait bien pouvoir en faire des aussi jolis. Elle aimerait bien se souvenir comment sourire. Le sien est parti, déjà. C'est dommage. Mais Alice s'en souvient. Alice se souvient toujours de tout, même les choses futiles et pourtant elle oublie toujours les réponses à ses questions. Pauvre Alice, si on pouvait arrêter de le lui reprocher ! Mais c'est pas grave, Alice a l'habitude, alors tout ira bien. Il était beau ce sourire, alors Alice le dessinera, plus tard, quand elle sera seule dans son appartement. Toute seule. Comme toujours. C'est triste d'être aussi seul. C'est triste oui, mais Alice y trouve une certaine quiétude, dans cette solitude, un certain bien-être.

Maxime veut partir. Avec toi. Elle ne veut pas que tu sois seule. C'est réconfortant, en un sens, de se dire qu'il y a une main tendue vers soi, au cas où, le problème est de la saisir au bon moment ou encore de savoir si elle sera toujours vers nous quand on en aura réellement besoin. C'est stressant de ne pas savoir, de se reposer sur ses lauriers en se sachant entouré et de désillusionner quand on chute sans rien pour nous retenir si ce n'est la cruelle réalité. C'est ça le problème ? Qu'est-ce qui est réel ? Cette question lui brûle les lèvres. Elle voudrait tant de réponses, tant de schémas, tant d'explications, même fausses, Alice veut juste « savoir ». Tout est bon à savoir, même les mensonges, elle ne crache pas dessus. C'est beau un mensonge, c'est acide, un peu amer, un grain épicé et juste un peu salé. C'est suffisant pour boucher un coin de vérité et ça aide à dormir sur ses deux oreilles. C'est reposant. Mais c'est oppressant, ça grandit jour après jour et ça finit par se dissoudre et créer des ennuis. C'est dommage. Ils ont le mauvais rôle, pauvres mensonges.

Tu secoues la tête. Tu ne veux pas partir. Tu es bien, là, sous la pluie. Tu vas attraper froid. Je sais. Tu veux quand même rester ? Tu lèves ta tête face au ciel après avoir plaqué ta frange trop longue en arrière. Oui. Tu n'aimes pas l'agitation. Tu veux rester ici. Et puis tu observes le ciel. Et tu aperçois une éclaircis, un petit trou dans les nuages laissant passer un léger rayon de soleil alors que le rythme des gouttes ralenties. Oh. Tu te lèves, soudainement, attrapant la main de la demoiselle à côté de toi pour l'entraîner dans Paris à tes côtés sans quitter le bord de la Seine. Tu finis par entrer dans un bâtiment. Tu le connais bien, tu y vas tout le temps. Il est abandonné, alors il est toujours ouvert. Tu grimpes les escaliers deux par deux bien que tu ne sois pas particulièrement sportive, sans pour autant lâcher la main de la française à tes côtés. Vite, vite, il faut se dépêcher. Une dernière porte et vous voilà sur un des rares toits plats de Paris. Tu t'approches de la barrière, regardant le paysage. Et ce n'est pas pour rien que tu es venue ici. D'ici, on voit tout Paris. D'ici, on voit l'arc-en-ciel qui englouti la ville. C'est d'ici qu'on le voit le mieux, tu le sais. Tu sais toujours ce genre de choses. Il fait gris. Il fait un peu soleil. Il y a des jolis rayons filtrés et des belles couleurs qui ressortent. Tu te dis que Maxime ne doit jamais avoir vu Paris ainsi.

C'est beau, Paris.

hrp ; pardon pour l'attente.