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Briser les habitudes [PV Scarlett G.|Fou]

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Sinniel K. | Rain
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MessageSujet: Briser les habitudes [PV Scarlett G.|Fou] Briser les habitudes [PV Scarlett G.|Fou] Icon_minitimeMer 14 Oct - 0:12
Un léger soupire traversa les lèvres de la brunette qui remit une mèche rebelle derrière son oreille droite, replaçant par la même occasion la casquette qui glissait le long de ses cheveux courts. Cela faisait plus de trois heures qu’elle avait troqué sa tenue de tous les jours pour son « uniforme » de travail, et elle était encore bonne pour deux longues heures de boulot avant de pouvoir rentrer à sa chambre étudiante et s’effondrer sur son lit, bazardant au passage son sac de cours dans un coin de la pièce, repoussant ses devoirs d’étudiante à une prochaine échéance qu’elle ne faisait que reculer. Tout ce qu’elle voulait, c’était dormir. Et en bonne marmotte, elle ne tardait jamais à sombrer dans les bras de Morphée, se laissant envahir par ses rêves et ses cauchemars, comme d’autres se laissaient engloutir par les vagues avant de s’enfoncer dans les bras salés de l’océan.

Oui, c’était habituel, mais depuis quelques temps, cette habitude, qui avait tout de la flemmardise, avait pris un tour étrange. Sinniel savait pertinemment que son imagination s’en donnait à cœur joie pour lui fournir des rêves tous plus bizarres les uns que les autres. Après tout, ne s’était-elle pas déjà retrouvée, après une course-poursuite dans les couloirs du temps, à manger des macarons avec Louis XIV en personne ? Oui, elle adorait se rappeler de ses rêves, de ces éclats de fantaisie qui l’arrachaient à ce quotidien si terne qui était le sien. Mais depuis quelques nuit, elle sentait que tout cela se changeait, se modifiait. Pourquoi, comment ? Elle n’avait aucune réponse à ces questions, somme toutes inintéressantes pour des personnes lambda, et cela l’agaçait et l’intriguait.

Un mouvement à sa droite la ramena à l’instant présent. Elle était encore partie dans ses pensées, sans doute en restant les yeux dans le vague, immobile et silencieuse. Par chance, il n’y avait pas eu de clients durant ce court intervalle, ce qui lui évita de se prendre une remarque désobligeante de la part de son patron, patron qui se serait sans doute détourné quelques secondes plus tard en grommelant que la jeunesse d’aujourd’hui était plus molle qu’un marsupial faisant la sieste. De quoi mettre la jeune femme mal à l’aise durant de longues minutes. Par chance, il n’avait rien remarqué. Un nouveau soupir s’échappa des lèvres de la brunette qui s’empressa de se remettre activement au travail. Ce n'était pas le moment de manquer de se faire renvoyer.

Les heures passèrent, incroyablement longues pour la bretonne qui retint plusieurs fois un bâillement derrière la paume de sa main droite, en profitant pour jeter un coup d’œil à la montre noire et simple qu’elle portait. Elle savait que la fatigue n’aidait guère à se faire une idée objective du temps mais bon dieu que la trotteuse mettait du temps à faire le tour du cadran ! Un des employés lui jeta d’ailleurs un regard amusé en voyant la moue qui étirait les traits de la demoiselle, plissant ses yeux et lui donnant l’air d’une gamine contrariée. L’étudiante capta ce regard et ne put s’empêcher de rougir immédiatement, se détournant et se concentrant sur sa tâche, essayant vainement de cacher les rougeurs qui avaient pris place sur ses joues. Une énième fois, elle se maudit de se laisser si influencer par les regards extérieurs. Sa poigne se crispa sur le chiffon qu’elle tenait, laissant entendre la tension qui parcourait son corps. Elle haïssait ses réactions, elle haïssait ces rougeurs qu’elle ne pouvait contrôler. Oh certes, elle savait qu’elle n’y pouvait pas grand-chose et que c’était dans sa nature, mais elle n’arrivait pas à accepter le fait qu’elle était plus expressive qu’un livre ouvert lorsqu’elle se trouvait dans un environnement où elle avait, en quelque sorte, ses marques.

- Sinniel ! Faut que t’aille livrer la commande pour le Scarlett Gauthier là ! Et tant qu’à faire t’auras qu’à rentrer chez toi après vu que t’as fini ton service !

La voix du patron fit sursauter la jeune femme, l’arrachant à ses pensées alors qu’elle se redressait, abandonnant son chiffon et allant promptement se changer, bénissant mentalement le ciel de lui permettre de se carapater un peu plus tôt. Certes il ne lui restait que dix minutes, mais c’était déjà ça de pris.

En deux temps trois mouvements, elle retrouva sa marinière et sa fourrure polaire rouge, quelle referma jusqu’au cou avant d’aller chercher la commande du jeune homme qu’elle livrait depuis plusieurs jours à présent. Leurs échanges étaient courtois et rapides, ni l’un ni l’autre ne semblant réellement aimer parler pour ne rien dire, et même si l’habitation de l'aveugle l’intriguait, jamais elle ne s’était amusée à lui poser la moindre question, se contentant juste de se demander si la solitude ne lui pesait pas trop. Oh, bien sûr, elle ne s’était pas risquée à lui demander s’il vivait seul -de toute manière, sa commande parlait pour lui- mais elle avait ressenti presque instinctivement cette absence totale de compagnie qui semblait planer autour de lui.

Les yeux bleu-gris de la demoiselle se ternirent légèrement alors qu’elle grimpa dans sa voiture et tourna la clef dans le contact, réveillant le moteur qui se mit à ronronner. Elle-même était une fille assez solitaire, mais elle savait très bien que la solitude pouvait faire plus de mal que de bien. Malheureusement, elle n’osait pas lui proposer son aide. Qui était-elle pour ce faire ? Elle n’était rien d’autre qu’une étudiante fauchée, une parmi tant d’autres, venue du fin fond du Finistère, et elle n’était certainement pas la mieux placée pour lui proposer une quelconque aide…

Un nouveau soupir franchit ses lèvres craquelées sous l’effet du vent frisquet soufflant dans les rues de la capitale alors qu’elle engageait sa voiture dans la rue du jeune homme aveugle. Là encore, elle n’avait posé aucune question. D’un parce que c’était inconvenant, et de deux, parce qu’il était fort probable qu’il n’ait aucune envie d’en parler. Serrant le frein à main et sortant de la voiture, la demoiselle attrapa la commande, fermant sa titine d’un geste sec apposé sur sa clef. Rangeant rapidement le jeu dans sa poche, elle se dirigea vers l’entrée de la propriété, appuyant tranquillement sur la sonnette, son souffle s’échappant en un mince filet embué de ses lèvres entrouvertes. Un frisson la saisit. Pourvu que le propriétaire des lieux ne mette pas trois plombes à venir, car vu la température extérieure, elle risquait fort d’attraper une saloperie si elle restait ainsi immobile en plein milieu de la rue, et en plein milieu de l’ombre qui s’étendait de plus en plus sur le macadam de la route. Un nouveau frisson la prit alors qu’elle aperçut l’aveugle venir lui ouvrir…
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Scarlett G. | Fou
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Scarlett G. | Fou
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MessageSujet: Re: Briser les habitudes [PV Scarlett G.|Fou] Briser les habitudes [PV Scarlett G.|Fou] Icon_minitimeMer 14 Oct - 3:59

“Solitude : douce absence de regards.”  ▬ M. Kundera


On sonne. Il n'est pas dans la maison mais bien les genoux sur l'herbe. Scarlett est méconnaissable.

Là, un homme aux cheveux vulgairement coiffés en bol, est en train de faire rebondir des gouttes sur les pétales de quelques fleurs. Il ne voit rien mais sourit du coin des lèvres en sentant l'eau couler sur ses doigts fins. Cet homme n'affiche aucune expression. Seulement vêtu de son pantalon chic et d'une chemise blanche légère, il frisonne au milieu des arbustes colorés. Il a posé ses lunettes son côté droit et laisse la flore entrevoir ses paupières blessées. Sa main gauche maintient la stabilité de son corps fin et frissonnant pendant que l'autre vient arracher quelques plantes arrivées ici par le fruit du hasard. Le prince jardine. Seule la compagnie des fleurs avait réussie à préserver un reste d'envie de vivre de notre héros de roman. Le prince jardine. Cela peut surprendre mais même aussi propre sur lui accepte de se salir les mains pour inviter la nature à venir le supporter. C'est ça, supporter cet homme perdu qui n'a pour seuls repères que les hauts murs qui encadrent son domaine. C'est tout naturel que ce soit ces murs qui vont à nouveau venir bouleverser sa vie solitaire...

On sonne. Il n'est pas dans la maison mais il entend. Il entend sonner ce portail qu'il aurait préféré taire à jamais. Le journaliste secret ne voulait voir personne. Encore moins devoir engager une quelconque conversation ou entendre le monologue exacerbant de ces personnes qui estiment pouvoir venir lui parler. L'homme aux cheveux roses se leva, dos courbé, une main posée sur le sol pour lancer son corps vers le haut et reprendre une posture aussi droite qu'un lampadaire. Ses lunettes retrouvent leur place sur le nez pointu. Le solitaire lache un soupire énervé et tourne les talons pour se diriger vers le portail. Scarlett posait ses pas lents dans l'herbe humide, principale preuve d'une pluie récente. Il avait plu et comme un chat, l'aveugle avait attendu le premier rayon de soleil pour profiter de l'air frais. Il était sorti de son cocon. Il n'était plus prisonnier des murs de la maison, de ses murs. L'atmosphère qui y régnait l'étouffait. Il n'y avait rien. Il n'y avait plus rien. Charles était parti et, sans lui, rien n'était plus supportable.

On sonne. L'aveugle approche du portail. Il refait mine de boiter. Une vieille habitude. Cacher son handicap, une vieille habitude. Sa canne frotte le sable de l'allée principale. Bien. L'homme se tourne légèrement sur la droite et s’aligne avec le chemin tout en faisant face au portail. Qu'est ce qu'il y avait derrière ? Qui venait le voir ? Quel mauvais présage allait encore annoncer cette sonnerie ? Pourtant habituellement menaçant, cynique et sournois, le faux prince n'arriva pas à avancer pendant quelques secondes. Une peur lui serrait le cœur. Une peur stoppait ses muscles. Pour la première fois depuis un moment, Scarlett soufra de son handicap. Comme un enfant, il avait peur de ce qu'il avait face à lui et dont il ne pouvait même pas discerner les contours. Tout ce qu'il aurait voulu à cet instant, c'est voir de loin. Savoir à l'avance ce qui l'attendait. Ainsi il aurait fuit ? Lâche ? Tant pis. Le journaliste n'en pouvait plus. Trop d'épreuves. Trop. Il veut vivre mais ne peut plus survivre. Doit-il lâcher la corde qu'il maintient avec férocité ? Lutter est devenue oppressant. Puis, le voilà qui relève son pied droit et l'avance devant lui. Il parvient à nouveau à marcher et fronce des sourcils pour se donner du courage. Le journaliste allait tout simplement rembarrer celui qui venait le déranger, et ce serait ainsi réglé. Il allait être aussi désagréable que d'habitude, ce serait tout et ça irait. Oui, ça ira, n'est-ce pas ?

Maintenant. C'est à cet instant que tout se joue. Sa tranquillité, sa solitude étaient en jeu. Il ne pouvait pas laisser un intrus revenir chambouler sa vie. Alors, avec sa traditionnelle voix froide, le voilà qui demandait ce que la personne dont il ne connaissait rien venait faire devant cette maison qui n'avait apriori rien à voir avec le monde extérieur. Scarlett s'attendait à un voisin mécontent, un ennemi de toujours, Belle l'espionne qui en avait marre d'attendre dans le froid ou encore un journaliste un peu trop curieux... Près à remettre la personne à sa place et lui dire de ne pas revenir, Scarlett fut surpris ne pas s'entendre dire le moindre mot. Une douce voix féminine venait de chantonner à ses oreilles. Hein ? Qu'est-ce qu'elle venait faire là ? Puis il compris. Il n'avait pas répondu tout de suite. Il avait fallu le temps que sa surprise passe laisse entendre la réponse de la demoiselle. Une commande. Nourriture. A distance. Ah. Oui. Scarlett oubliait facilement de se nourrir ces derniers temps. Quelqu'un commandait pour lui. Qui c'était ? A vrai dire, l'aveugle n'en avait que faire. Il fallait déjà qu'il mette de l'ordre dans son esprit. Un léger soupir se détache dans le silence dans le silence qu'il avait lui même débuté. La demoiselle était là, à tenir un sac fumant. Sans doute. Mais il fait froid. Mais elle est venue jusque là. Alors sans vraiment s'en rendre compte, le faux prince ouvre le portail et se met de côté pour laisser entrer l'inconnue. Elle n'avait pas le choix. Les signes d'accueil était là. C'est un mot qu'il lui avait ordonné d'entrer.

Mais maintenant, quoi ? Monsieur Gauthier n'avait pas l'air idiot maintenant à refermer le portail sans savoir où était la demoiselle, sans savoir que dire à cette demoiselle, sans savoir que faire avec cette demoiselle. Elle est silencieuse. Timide ? Ou juste silencieuse ? Cela perturbe presque Scarlett. Ça change. Mais il ne peut pas savoir sur quelle case elle se trouve, si elle ne bouge pas... ouf. Le sable, un allier précieux. Il a trahit celle qui venait d'y poser le pied. Elle avait avancé de quelques pas sur l'allée principale.

Une odeur. Un son. Une répétiton. Oh. Elle était déjà venue, c'est ça ? La serveuse à domicile était déjà venue lui donner son repas d'un soir. C'est pour cela qu'elle lui semblait déjà familière. C'est pour cela qu'il avait cette facilité de l'accueillir dans sa grotte. Le jardinier frisonne et s'avance sur le chemin.

 
▬ Malgré ce froid, une demoiselle est venue m'apporter mon repas, je me dois de lui offrir un thé.

Il ne lui demandait pas son avis. C'était presqu'un ordre. Scarlett utilise l'excuse de l'obligation. Il se sent obligé de trouver une excuse. Il a du donner quelque chose en retour à une demoiselle dans le froid. C'était tout, c'était simple. Mais Scarlett oublie ses traits de visage adoucit. Il ignore les appels de son cœur qui apprécie d'avoir quelqu'un a ses côtés pour briser le silence qui le ronge depuis quelques jours, même si cela ne dure pas. Homme perdu dans sa légère chemise blanche, l'aveugle s'avance en boitant et dépasse l'inconnue pour lui montrer le chemin. Chemin pourtant large au cœur de ce jardin entretenu par les soins de son ancien serviteur. C'était maintenant à lui de faire vivre ce lieu.. pouvait il commencer par remplacer doucement l’absence d'un autre individu ?

C'est alors tout naturel qu'il commença par la première des politesse, la présentation. Le visage droit, dirigé vers la maison, il s'adressa dans le vide à l'inconnue :

 
▬ Je suis Scarlett Gauthier, enchanté demoiselle.

Se présentera t-elle ? Alors qu'hier, il s'en serait moqué, tout est différent aujourd'hui. On pourrait croire qu'il a gagné en humanité. Il veut savoir. Connaître le nom qui porte cette douce voix qui réchauffe la température hivernale de l'atmosphère.

Mais n'y a t-il que l'air qui se réjouit d'entendre une douce voix à ses côtés ?


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Sinniel K. | Rain
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MessageSujet: Re: Briser les habitudes [PV Scarlett G.|Fou] Briser les habitudes [PV Scarlett G.|Fou] Icon_minitimeMer 14 Oct - 5:07
Des pas sur le sable. Ce furent eux qui lui indiquèrent que le maître des lieux venait vers le portail, ayant entendu la sonnette s’enclencher chez lui, en un rythme désaccordé, comme s’il boitait… Elle n’avait pas vraiment d’image particulière de cet homme étrange, si ce n’était celui de son visage entouré de cheveux rose et dont les yeux étaient masqués par des lunettes noires. Elle avait déjà cru voir une canne mais le peu de temps accordés à leurs échanges ne lui avaient pas permis d’en voir davantage, ne lui laissant que des suppositions et des théories qu’elle ne tardait pas à oublier, son esprit ne tardant pas à s’évader loin de tout cela, l’entraînant dans des songes éveillés qui pouvaient la laisser des heures à la même place, immobile, statue étrange aux yeux perdus dans le vague.

Les pas s’arrêtèrent quelques secondes, la faisant cligner des yeux de surprise. Elle resta immobile. Pourquoi s’était-il arrêté ? Elle ne le savait pas, malgré son instinct et sa sensibilité accrue, mais elle se doutait que quelque chose n’allait pas. Personne ne s’arrêtait en plein milieu juste pour des broutilles. Surtout quand le trajet avait une utilité claire et visible. Sinniel passa une nouvelle fois ses doigts dans ses cheveux, replaçant une mèche, la tortillant autour de son doigt au passage. Simple technique pour relâcher le début de stress qui commençait à émerger dans ses entrailles, poison vicieux qui n’attendait que la suite pour grandir et emplir l’espace de ses viscères.

Les crissements du sable reprirent, obligeant ses iris délavés à se poser sur le portail qui s’ouvrit enfin alors qu’un nouveau frisson saisit ses membres. La voix de son interlocuteur, qui était habillé de manière bien plus légère qu’elle, s’éleva alors dans les airs afin de lui demander ce qu’elle faisait là, lui tirant une moue surprise. N’était-ce pas lui qui avait commandé ? Pourtant l’adresse était la bonne, et cela faisait plusieurs fois qu’elle venait donc il n’y avait pas d’erreur… À moins que quelqu’un ne se soit chargé de la commande à sa place ? Peut-être… Sans doute même.

La bretonne répondit doucement, tranquillement, se doutant qu’elle avait dû le déranger dans une quelconque activité si elle se fiait à ses vêtements, notamment à son pantalon où résidaient, au niveau des genoux, des traces vertes sans doute causée par de l’herbe ou de la végétation. Le temps sembla flotter un cours instant suite à sa prise de parole, comme s’il ne s’attendait pas à la voir, avant qu’il n’ouvre plus grand le portail de l’entrée, la faisant cligner des yeux en silence.

Le message était clair. C’était une invitation à entrer… Quoi que le terme d’invitation ne collait pas vraiment à la situation. C’était bien plus un ordre que le jeune homme lui donnait.

Et elle y obéit, doucement, timidement, gardant ses lèvres closes, refoulant les questions qui pressaient la barrière de ses dents. Pourquoi la laisser entrer maintenant ? Pourquoi elle ? Elle n’était pour lui qu’une simple livreuse, n’ayant échangé que de rapides mots dénués d’intérêt. Alors pourquoi ?

Ses pieds ne tardèrent pas à se poser sur le sable, le faisant grincer sous ses semelles en cuir. Un très léger sourire s’esquissa sur ses lèvres alors qu’elle observait avec curiosité cette allée et ce jardin, le crissement des grains d’or sous ses pieds la ramenant à la plage, venant caresser ses narines d’une intangible et inexistante odeur d’iode. Elle crut même que le vent s’était mis à souffler plus fort afin de lui fouetter le visage. Comme autrefois, lorsqu’elle n’était qu’une gamine courant le long des vagues, ne s’arrêtant à mer basse que pour ramasser des coquillages échoués sur la grève et offerts à ses yeux émerveillés.

▬ Malgré ce froid, une demoiselle est venue m'apporter mon repas, je me dois de lui offrir un thé.

La voix de Scarlett la ramena de ses songes, et elle remarqua enfin qu’il se trouvait désormais devant elle, comme un guide qui l’entraînait dans son royaume où le silence avait déposé son manteau de grisaille et d’absence.

Ses yeux se posèrent instinctivement sur sa silhouette fine et sa chemise blanche. La brunette ne put s’empêcher de froncer les sourcils en voyant le frisson qui avait pris possession des membres de l’aveugle. Pour un peu, elle était presque sûre de voir de la chair de poule hérisser ses bras.

Et de nouveau, ses souvenirs affluèrent, ainsi qu’un sentiment étrange… Elle laissa là l’étudiante pour reprendre de manière inconsciente ce rôle de grande sœur qu’elle avait porté durant de longues année, que ce soit avec ses frères et sœur ou d’autres enfants. C’était là, viscéral, nécessaire. Doucement, en silence, elle fit descendre la fermeture éclair de sa fourrure polaire, l’ouvrant totalement avant de l’enlever, tenant le sac contenant la commande entre les dents le temps de la manœuvre. Le vent la fit immédiatement frissonner lorsqu’elle se débarrassa du vêtement, reprenant alors calmement la commande avant de s’avancer doucement vers cet étrange jeune homme. Elle ignorait s’il était plus ou moins âgé qu’elle, mais peu importe. Tranquillement, comme si c’était parfaitement naturel et logique, elle lui posa la veste sur les épaules, espérant ainsi lui apporter un peu de chaleur. Elle, elle pouvait s’en passer jusqu’à ce qu’ils rentrent, une marinière étant plus « chaude » qu’une simple chemise, et son corps pouvait tenir le coup sans trop de problème. Par contre, lui, c’était moins sûr.

Ses lèvres s’ouvrirent alors enfin alors qu’elle s’écarta légèrement, toujours prise par ces sentiments, par ces souvenirs qui la faisaient agir de manière instinctive, presque maternelle. Sa voix s’éleva avec tranquillité entre eux, venant faire frémir l’air froid du soir dans une mélodie qu’elle espérait douce.

- Enchanté également monsieur Gauthier… Je m’appelle Sinniel Kaouenn…

Son empathie s’étendait autour d’elle comme les pétales d’une fleur nocturne, lui faisant ressentir le vide qui existait en ces lieux. La solitude… Elle la ressentait dans les moindres recoins de la demeure, comme une bête tapie dans l’ombre qui n’attendait qu’un moment de faiblesse pour fondre sur sa proie et la plaquer à terre, s’offrant un chemin radieux vers la gorge laissée à découvert, plantant ses crocs venimeux dans cette chair ainsi offerte, injectant son doux poison dans les veines du corps laissé à sa merci, venant faire naître tristesse, désespoir et idées noires, laissant au fond de la trachée une boule mauvaise qui empêchait de respirer.

La demoiselle cligna des yeux, semblant se reprendre alors qu’elle continuait à suivre le jeune homme. Et enfin, elle réalisa ce qu’elle venait de faire. Ses yeux s’écarquillèrent, son cœur se mit à battre à toute allure dans sa poitrine alors que des rougeurs plus vives encore que le rouge de sa veste vinrent élire domicile sur ses pommettes rondes, chauffant inévitablement la peau tendre de son visage alors qu’elle se traitait mentalement d’idiote, tenant toujours la commande à la main.

Elle ne savait plus quoi dire ni quoi faire pour rattraper ce geste si… spontané et peut-être également si culotté. Se mordillant la lèvre inférieure, elle essaya de trouver une issue, une échappatoire, quelque chose. Mais seul le vide répondit à ses efforts presque désespérés, l’enfermant dans un silence timide où elle ne savait plus où se mettre, rêvant presque de pouvoir se transformer en souris pour s’échapper et s’enfuir loin de cette honte qui lui cisaillait le ventre.

Restait à savoir comment son interlocuteur allait réagir à présent. Sinniel adressa une prière muette à toutes les déités existantes. Pourvu qu’il ne la prenne pas pour une folle…
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Scarlett G. | Fou
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MessageSujet: Re: Briser les habitudes [PV Scarlett G.|Fou] Briser les habitudes [PV Scarlett G.|Fou] Icon_minitimeVen 16 Oct - 18:50

«L amour et le scandale sont les meilleurs sucres pour le thé.  »  ▬ W. Gladstone


Elle était poli. Elle était courtoise. Scarlett avait l'impression que ce monde avait perdu de telles vertus mais bien heureusement, l'inconnue lui apportait de quoi avouer son erreur. Le journaliste se trompe sur le monde autour de lui comme il se trompe à lui même. Peut être cela l'aidait-il simplement à tenir ? Personne ne le sait vraiment. Gris. Tout est gris. Alors il s'était réfugié entre ses fleurs. Malgré son handicap, notre héros de roman parvenait à jardinier. Des réflexes d’antan, des envies d'un instant. Il n'a pas oublié la chaleur des couleurs des fleurs. Il n'a pas oublié l'aide apportée par un arbre qui vous écoute. Il n'a pas oublié le doux contact de l'herbe qui se couche pour vous faire un coussin. Le journaliste passe des heures, depuis hier, dans son jardin. Comme aujourd'hui, il reste dans le froid sans manteau et continue à tailler la nuit. Sa peau est griffée par les ronces, elle s’écorche avec une branche apparue sur le chemin de l'homme aux yeux masqués. La nuit tombe, les oiseaux ne chantent plus. Pourtant, il arrive qu'il soit encore là à caresser les feuilles. Il ne se rend plus compte du temps qui passe. Il ne veut pas voir le temps qui passe.

Ils entrent. La jeune femme porte toujours le diner chaud du propriétaire des lieux. Elle frisonne. Scarlett n'en tient pas compte. Il est déjà suffisamment gêné comme ça. Alors qu'elle lui avait posé son tissu protecteur sur les épaules de l'aveugle, celui-ci s'était arrêté de marcher. Surprise. Peu habitué à ce genre de gestion gentil, de compassion. L'homme aux cheveux roses s'était arrêté de réfléchir. Ou plutôt il ne faisait plus que ça. Son cerveau était perdu. Oh, elle s'appelle Sinniel ? L'esprit note, il retient. Mais il ne pouvait plus répondre aux milles questions qui dansaient à l'intérieur de son crâne. Qu'est ce qu'il venait de ses passer ? Pourquoi quelqu'un avait prit la peine de le couvrir ? Pourquoi avait-il plus chaud d'un coup ? Pourquoi avait-il moins froid ? Aucun mot n'est sorti de sa bouche. Pas même un remerciement. Pas même un regard pour informer qu'il n'avait pas des épaules de pierres, insensible aux contacts des tissus. Rien. Rien que de la gêne et de l'incapacité à s'adapter à une situation nouvelle.
Ou plutôt ancienne. Trop ancienne. Plus d'un an. Lizzie. Sa bien aimée. La dernière à avoir été assez proche de lui pour lui poser un manteau sur le dos. La dernière femme à avoir été aussi douce et attentionnée. Une femme souriante, belle et gentille. Son visage apparaît. Son sourire s'illumine dans l'esprit de l'homme aux cheveux roses. Une femme dynamique et motivée. Une femme de tout ce qu'il y a de meilleure. Scarlett fait la moue. Chaque image lui est douloureuse. Alors il fronce les sourcils et continue à s'avancer sur l'allée. Sans un mot, il s'avance mais son cœur bat la chamade. La chaleur a empli son corps pendant les quelques secondes de doutes qui étaient parvenues à hanter le froid journaliste. Celui-ci était encore en vie. Qui dit en vie dit cœur qui bat. Oui. Même le plus cruel des hommes a un cœur. Le tout est de passé les remparts qu'il se forge pendant des années ou à chaque épreuve qu'il a du traverser...

La maison de Scarlett, tu sais, c'est la maison où même si tu fais deux mètres, tu te sens tout petit. C'est la maison impressionnante aux allures du siècle dernier. Oui, quand tu traverse le hall, tu traverse les âges. Quand tes pas s'avancent, et comme par magie, tes habits deviennent robe de Marie Antoinette, tes cheveux se crêpent en chignon et tes bras s'élancent pour valser dans la grande salle. Tu crois entendre un orchestre privée chanter du Vivaldi pendant que des odeurs d'épices viennent encore à te surprendre. Lorsque la porte se ferme dans votre dos, vous oubliez que vous êtes à Paris. Sans pouvoir le contrôler, votre esprit vous transporte dans la province faites de champs et de montagnes. Des odeurs sucrées et des bouquets de fleurs emplissent la salle principale. De grands tableaux vous informe de la beauté du monde. Les deux jeunes gens continuent d'avancer et Scarlett se décale soudain sur la droite. Il ouvre une grande porte de bois sans le moindre effort et s'engouffre dans le salon. Cette pièce aux grandes baies vitrées qui laisse le soleil vous tenir compagnie. Des meubles anciens faits de bois, se sont liés d'amitié avec les tissus colorés et quelques éléments modernes qui s’accommodent parfaitement à leur environnement. Comme cette table basse noire au cœur d'un attroupement de canapés et de fauteuils vous invitant à venir plonger votre postérieur dans leurs coussins. Le maître des lieux indique le canapé et laisse échapper un rapide « Je vous en prie » à destination de son invitée.

Étrangement, un doute lui vint. Lui qui était toujours si sûr de lui, voilà qu'il venait à se demander si elle appréciait les lieux. Elle était entrée sans crainte, sans doute, en lui faisant confiance. Pourtant, on lui avait toujours dit que depuis qu'il avait changé, le journaliste faisait peur. Il n'inspirait pas du tout à la confiance. Certains se moquaient même en chantonnant qu'ils changeaient de trottoir à son arrivée. Qu'est ce qu'il peut y avoir de drôle à cela ? On avait peur de son caractère hautain. On avait peur de sa tenue droite et de son manteau noir. Mais saviez-vous que le jeune homme n'a pas toujours été ainsi ? Tremblez de penser que vous avez pu vous tromper. Et cela pour quoi ? Pour ne pas avoir été ouvert, de ne pas avoir cherché à en savoir plus sur lui. Les aprioris feront votre perte, pauvre âmes.

L'aveugle attends qu'elle se soit assise pour se pencher légèrement au dessus de sa canne de bois gravé, pour lui demander quel thé elle souhaitait boire. Puis le voilà qui présente ses thés comme on présente une peinture. Artistique, il chante les saveurs fruités d'un thé d’Asie et les louanges du thé vert agrémenté d'agrumes. Mais il n'oublie pas la force du thé russe et la beauté du thé de rose anglais. L'homme aux cheveux roses s'excuse même de ne pas avoir de pâtisseries pour accompagner ses boissons. Quel gourmand. Un vrai enfant, non ?

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Briser les habitudes [PV Scarlett G.|Fou]

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