C'était vraiment pas son jour. Mais vraiment pas. À peine rentré de sa petite balade avec demoiselle Aiguille, le voilà embarqué dans une affaire des plus embarrassantes. Le matin suivant la promenade, ayant un peu abusé de la liqueur, il s'était retrouvé non seulement avec un mal de crâne et une tête à faire peur, mais aussi un joli petit paquet rouge accompagné d'une lettre de sa chère et douce reine. La tenue hideuse n'était pas tellement le problème, mais plutôt cette étrange mission qu'on lui avait confié. Le voilà encore obligé de jouer les petits chiens de Sa majesté, mais ce n'est pas comme s'il avait le choix. Il avait pensé à s'enfuir avec ses possessions, sauf qu'il deviendrait une proie très facile avec un coffre sur le dos et des sacs de bijoux dans les bras. Et il y perdrait la confiance de la reine. Cette femme mystérieuse avec qui il avait très certainement une relation plus que douteuse dans le passé. Ces derniers jours, il était la proie de sortes de flashs qu'il n'arrivait pas à comprendre. Un amour fou pour des cheveux rouges... Il aurait tout le temps d'y réfléchir une fois ce maudit attirail enfilé.

Râhi s'examine une dernière fois dans le miroir. Il est... assez effrayant. Cette cape lui donne un air de Grande Faucheuse ensanglantée, sans parler du masque. Lui qui avait l'habitude des colliers de pierreries et des vêtements en soie, le changement était radical. Mais il n'avait pas le choix, la Reine l'a dit. Et mieux valait pour lui qu'il obéisse sans trop protester. Le jeune homme soupire, déchire la lettre, cache les morceaux et entrouvre la porte. Pas de bleuet à l'horizon. Il ferme avec délicatesse la porte de sa chambre et marche à pas de loup dans le couloir. De toute façon, s'il croisait un garde, il y avait des chances qu'il fasse une attaque, habillé comme il était. Bon. D'après le briefing, il devait faire équipe avec ces deux autres hommes qu'il avait dû apercevoir lors de ses promenades dans le château. Comment les trouver, c'était une bonne question. Évidemment, la reine n'avait pas donné ce genre de détails. Râhi rassemble toute sa bonne volonté, et se glisse avec une discrétion discutable de coin en coin. Quelques petits incidents plus tard -avec entre autres une cape presque brûlée à la chandelle-, l'homme se retrouve à errer dans le jardin d'été évoqué. Pas de doutes, il est perdu. Il ne se souvient plus très bien du plan de cette aile du château, et ne sait pas où aller. Misère. Et il fait très chaud dans ce masque. En plus, il glisse tout le temps. Sa Majesté ne pouvait vraiment pas se contenter d'un simple loup, quelque chose de plus confortable? Il fallait croire que non.

Après de longues minutes de tournage en rond, la sortie s'offre finalement à lui, telle une révélation. Plein d'espoir, il se dépêche de rejoindre le lieu de rendez-vous en faisant attention à ne pas marcher sur sa cape. À son plus grand embarras, les deux hommes sont déjà là. Il trouvera une manière de s'excuser de son retard après. Pour le moment, il s'agissait de se montrer convaincant en sentinelle de la Reine. Il se racle la gorge, sourit même si le masque cache son visage.

« Bonjour, chers amis! Êtes-vous prêts à mener cette mission à bien et à servir notre très chère Reine? »  

Ça faisait sérieux, non? Patriotique, au moins. Même si au fond de lui, il avait moyennement envie de faire le sous-fifre.